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Éducation en classe
Marie-Josephte Fitzbach, fondatrice des Sœurs du Bon-Pasteur
Jacques Saint-Pierre, historien, 12 juin 2002.
Le nom de Marie-Josephte Fitzbach est lié très étroitement à l’histoire de la Côte-du-Sud. En effet, la fondatrice des Servantes du Cœur Immaculé de Marie du Bon-Pasteur de Québec naît à Saint-Vallier et passe son enfance dans cette paroisse, puis à Saint-Charles-de-Bellechasse, où sa mère déménage après la mort de son père. À l’âge de 34 ans, elle s’établit à Saint-Gervais, où elle habite une dizaine d’années. Après de nombreuses épreuves, cette femme au destin hors du commun consacre les dernières années de sa vie aux prostituées, aux filles mères et à l’éducation des enfants.
Une jeune fille éprouvée
Marie-Josephte Fitzbach voit le jour à Saint-Vallier, le 16 octobre 1806. Elle est la septième enfant de Charles Fitzbach, mercenaire du Luxembourg débarqué au Canada avec les troupes britanniques, et de Geneviève Nadeau, une fille de la paroisse voisine de Saint-Michel. Son biographe écrit : « Elle manifesta dès ses plus tendres années une vive intelligence, des talents précoces, et surtout une grande inclination pour la piété. » La mort prématurée du père laisse la famille Fitzbach dans un état proche du dénuement. Sa mère se remarie à un veuf de Saint-Charles, où la jeune Marie fait sa première communion.
Elle quitte la demeure familiale à l’âge de 13 ans pour entrer au service d’une bonne famille de Québec. Comme le souligne son biographe, le cas n’est pas rare à l’époque. Les habitants qui ont de nombreux enfants n’hésitent pas à en placer quelques-uns dans d’autres familles où l’on manque de bras pour les travaux agricoles ou domestiques. À l’âge de 16 ans, elle trouve un emploi dans la famille de François-Xavier Roy, marchand en vue de la Haute-Ville. Après avoir appris à lire par ses propres moyens, elle retient les services d’un étudiant du séminaire pour lui apprendre à écrire.
Durant son séjour à Québec, Marie-Josephte Fitzbach envisage très sérieusement d’entrer en religion. Elle frappe à la porte des Augustines de l’Hôtel-Dieu, puis des Ursulines, mais sans succès. Elle essuie un troisième refus du côté de Montréal. Selon son biographe, c’est sa santé chancelante qui empêche son vœu d’être exaucé. Un événement inattendu vient alors changer complètement le cours de la vie de la jeune femme.
Épouse et mère
Suite à la mort de sa femme, en 1827, François-Xavier Roy déménage à Cap-Santé. À 21 ans, Marie Fitzbach doit chercher un nouvel emploi. Un autre choix s’offre toutefois à elle, quand son ancien employeur lui propose de devenir son épouse. Après réflexion et consultation, elle accepte et le mariage est célébré à Cap-Santé le17 avril 1828. À peine quatre ans plus tard, le malheur frappe à nouveau Marie, qui devient veuve avec trois petites filles à sa charge. Outre la tristesse qu’occasionne la perte d’un époux, elle connaît un revers de fortune parce que les enfants issus du premier mariage obtiennent la plus grande part de l’héritage.
Après avoir bénéficié durant quelques années d’une situation enviable dans la paroisse, Marie, qui n’a encore que 26 ans, est à nouveau laissée à elle-même. La mort de son époux achève de la détacher du monde. « Elle ne vécut plus, comme l’écrit son biographe, que pour ses devoirs de chrétienne et de mère, partageant tout son temps entre la prière, l’éducation de ses enfants et les œuvres de charité. »
En 1840, elle accepte d’entrer au service de l’abbé Michel Dufresne, curé de Saint-Gervais, ce qui lui permet ensuite de subvenir à l’éducation de ses trois filles, qui sont placées au couvent de la Congrégation de Notre-Dame à Pointe-aux-Trembles. Commence alors pour elle une vie de recluse consacrée entièrement à Dieu sous la direction spirituelle du curé de la paroisse qui s’attache à la faire progresser dans la voie de la perfection. La mort accidentelle de ce dernier, en 1843, bouleverse Marie Fitzbach, qui perd à la fois un guide et un protecteur.
L’arrivée d’un nouveau curé oblige l’infortunée à quitter le presbytère pour aller s’installer au village. Elle rappelle auprès d’elle ses trois filles, qui avaient été admises au couvent de Saint-François l’année précédente. Afin de parfaire leur instruction, elle prend comme pensionnaire une institutrice anglaise qui leur apprend les rudiments de cette langue. Au bout d’une année, grâce aux économies accumulées par leur mère, les deux aînées vont compléter leur éducation à l’Hôpital-Général de Québec. Quant à leur sœur cadette, elle est emportée par la maladie à l’âge de 14 ans, nouveau malheur dans la vie d’une femme déjà fortement éprouvée.
La vie religieuse
La dernière partie de la vie de Marie Fitzbach est plus heureuse. À la fin de leurs études, ses deux filles obtiennent leur admission comme novice au couvent des Sœurs de la Providence de Montréal. À la demande des autorités du diocèse de Québec et sur les conseils du curé de Saint-Gervais, les deux jeunes femmes choisissent plutôt de faire leur noviciat à l’Hospice de la Charité, en voie d’établissement à Québec, en 1849. Elles deviennent, deux ans plus tard, les deux premières Sœurs de la Charité de Québec.
Quelques semaines après l’admission de ses filles au noviciat, Marie Fitzbach vend sa maison de Saint-Gervais pour venir s’installer auprès d’elles à titre de « dame pensionnaire », suite au refus de sa demande d’admission au noviciat. L’année suivante, son destin prend une nouvelle direction quand l’archevêque de Québec l’invite à venir s’occuper des femmes détenues à leur sortie de prison. L’Asile Sainte-Madeleine de Québec ouvre ses portes en 1850. Six ans plus tard, après une longue préparation auprès des Jésuites, Marie Fitzbach, accompagnée de six de ses compagnes, prononce ses vœux de religion. À l’âge de 50 ans, elle devient Mère Marie du Sacré-Cœur, fondatrice et première supérieure des Servantes du Cœur Immaculé de Marie du Bon-Pasteur de Québec.
Marie-Josephte Fitzbach s’éteint à Québec le 1er septembre 1885 à l’âge de 78 ans. Après une vingtaine d’années d’existence, la communauté compte déjà 172 religieuses disséminées dans différentes paroisses. Aujourd’hui, les Sœurs du Bon-Pasteur sont présentes non seulement au Québec, mais dans six pays étrangers ; elles poursuivent l’œuvre de la fondatrice. La cause de béatification de Marie-Josephte Fitzbach est introduite à Rome depuis 1994.
Bibliographie :
Casgrain, Henri-Raymond. L’Asile du Bon-Pasteur de Québec, d’après les annales de cet institut. Québec, Imprimerie de L.-J. Demers & frère, 1896. 410 p.
Des contemplatives au cœur marial : Jeanne LeBer, Aurélie Caouette, Éléonore Potvin, Élisabeth Turgeon, Marie Fitzbach. Sillery, Fondation de Marie Immaculée, [1991]. 82 p. Coll. « Aux sources mariales de l'Église canadienne », 9.