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L’éducation au XXe siècle
Thème : Éducation en classe

L’éducation au XXe siècle

Jacques Saint-Pierre, historien, 27 octobre 2002.


L’attitude des Sudcôtois face à l’école se transforme dans la première moitié du XXe siècle. La multiplication des journaux et des publications plus techniques (circulaires, brochures, modes d’emploi, etc.) fait tomber les derniers préjugés contre l’instruction, qui deviendra obligatoire par une loi provinciale adoptée par le gouvernement libéral d’Adélard Godbout, en 1943. Par contre, ce n’est qu’après la réforme du système d’éducation, au début des années 1960, que la Côte-du-Sud pourra combler son retard par rapport au reste du Québec.
 
Couvents et écoles de rang
 
Au début du XXe siècle, le pépiniériste Auguste Dupuis, de Saint-Roch-des-Aulnaies, écrit que des sommes « considérables » sont dépensées par les familles sudcôtoises pour l’éducation de la jeunesse dans les collèges, les écoles commerciales, les couvents et même les universités. Cela dénote une certaine aisance de leur part, mais probablement aussi un désir de promotion sociale pour leurs enfants. Avant 1900, les institutions d’enseignement secondaire sont pour la plupart des écoles privées. L’enseignement secondaire – dans la terminologie de l’époque, on parle plutôt du cours modèle, qui suit le cours élémentaire d’une durée de quatre ans – devient plus accessible par la suite. En effet, de 1903 à 1908, une douzaine de couvents, où l’on reçoit les garçons et les filles des villages et des pensionnaires provenant des rangs éloignés, ouvrent leurs portes dans autant de municipalités de la Côte-du-Sud. Une dizaine d’autres s’ajouteront entre 1909 et 1926. Ces couvents sont tenus par des communautés religieuses.
 
Malgré la présence de ces nouveaux établissements, l’école de rang demeure la base du réseau scolaire de la Côte-du-Sud jusqu’au début des années 1960. En 1931, la région compte plus de 450 écoles, dont la majorité sont des écoles de rang. Les élèves des deux sexes sont regroupés en une seule classe confiée à une institutrice. La durée du cours primaire est allongée à six ans en 1923, puis à huit ans avec la mise sur pied du cours primaire complémentaire en 1929. Une septième année préparatoire au cours primaire complémentaire sera ajoutée en 1937. Formées à l’école normale – la région en possédera trois à Saint-Pascal (1913), Saint-Damien (1941) et L’Islet (1945) – les institutrices de l’époque sont plus qualifiées que celles du XIXe siècle. Elles sont aussi mieux rémunérées par les commissions scolaires. Cependant, elles ne parviennent que très lentement à faire augmenter le taux de fréquentation scolaire.
 
La fréquentation scolaire
 
Selon des données pour l’année 1935-1936 dans le comté de L’Islet, les deux tiers seulement des enfants d’âge scolaire sont inscrits à une institution d’enseignement primaire. Après l’âge de 13 ans, le taux de fréquentation scolaire diminue considérablement. Ainsi, seulement 29 % des garçons de 14 et 15 ans de ce comté sont à l’école, tandis que ce taux atteint les 61 % dans l’ensemble du Québec. Dans la même tranche d’âge, le taux d’inscription atteint 47 % dans le cas des filles de la région, ce qui démontre un taux de persévérance plus élevé. Jusqu’à ce que l’instruction devienne obligatoire, en 1943, les jeunes garçons de la Côte-du-Sud restent donc très peu longtemps sur les bancs de l’école. Ils continuent d’abandonner l’école tôt pour aider leur père sur la ferme. Cependant, comme le constate le sociologue américain Horace Miner dans son étude sur la paroisse de Saint-Denis, publiée en 1939 : « on s’accorde aujourd’hui à reconnaître qu’une certaine instruction est indispensable pour tous. » 
 
Après la Deuxième Guerre mondiale, à la faveur du baby-boom, les écoles de la Côte-du-Sud sont bondées de jeunes filles et de jeunes garçons. Tous ces élèves contribuent à la vitalité des paroisses. Leur va-et-vient entre la maison et l’école, leurs jeux et leurs cris dans les cours de récréation, leurs activités sportives et parascolaires créent une animation inconnue jusque-là. Cependant, les changements provoqués par la réforme du système de l’éducation et le déclin de la natalité avec le recours à la contraception entraînent peu à peu la disparition des jeunes de certaines localités. C’est ce qui se produit notamment à Kamouraska : « Le visage pétillant et dynamique [du village] des années antérieures, peut-on lire en 1984, a été fortement altéré par les transformations du système scolaire. Tout le patelin ne ressent presque plus la vigueur exubérante des jeunes en croissance, tant l’horaire quotidien absorbe, d’une noirceur à l’autre, les énergies de tout le monde. Société d’adultes presqu’à [sic] longueur de journée et d’année, Kamouraska confond sa monotonie quotidienne avec celle des villages d’alentour… » 
 
La réforme de l’éducation
 
Après avoir rendu la fréquentation scolaire obligatoire au cour primaire (jusqu’à l’âge de 14 ans), c’est la formation de niveau secondaire qui devient une priorité durant les années 1950. Cette réflexion aboutit, dans un premier temps, à la centralisation des écoles dans les villages et, dans un deuxième temps, à la formation de commissions scolaires régionales. La Côte-du-Sud est ainsi partagée en trois commissions scolaires : Grand-Portage, Pascal-Taché et Louis-Fréchette. Des écoles polyvalentes voient ensuite le jour dans les principales municipalités de la région, soit à Saint-Pamphile, Saint-Pascal, Montmagny, Saint-Paul-de-Montminy, Saint-Damien, La Pocatière, L’Islet et Pohénégamook. Ces polyvalentes accueillent des centaines d’élèves qui sont obligés de prendre l’autobus scolaire à chaque matin.
 
La centralisation scolaire entraîne la fermeture des vieilles écoles de rang. Mais ce n’est pas le seul changement qui affecte le système scolaire à l’époque. L’intervention de l’État dans la conception des programmes et l’embauche du personnel enseignant s’accompagne d’une participation accrue au financement des commissions scolaires. Les religieux et les religieuses sont remplacés par des laïques, ce qui conduit au départ de la région de plusieurs communautés qui se dévouaient pour les jeunes depuis plusieurs décennies. Au milieu de la décennie 1980, la baisse de la clientèle scolaire force l’intégration des commissions scolaires de niveau élémentaire à celles de niveau secondaire. Les commissions scolaires Jean-Chapais, La Pocatière, L’Islet-Sud, Côte-du-Sud et Élan-Bellechasse-Pointe-Lévy sont le résultat de ce nouveau découpage.
 
L’histoire de l’éducation au Québec au XXe siècle est marquée par deux mesures importantes : l’instruction obligatoire et la réforme de l’éducation au début des années 1960. Ces politiques vont favoriser la fréquentation scolaire et permettre aux jeunes des régions rurales d’avoir des chances égales à ceux des régions plus urbanisées de poursuivre des études secondaires. 
 
Bibliographie :

Dupuis, Auguste. « Notes sur l’état des récoltes. District de Montmagny », Le Journal d’agriculture et d’horticulture, vol. 12, no 4, 15 octobre 1908, p. 431-432.
Lavallée, Robert. Petite histoire de Berthier-sur-Mer, 1672-1997. Édition revue, mise à jour et augmentée par Yves Hébert. Cap-Saint-Ignace, La Plume d’Oie, 1997. 277 p.
Miner, Horace. Saint-Denis : un village québécois. Présentation de Jean-Charles Falardeau. Montréal, Hurtubise HMH, 1985. 392 p. Coll. « Sciences de l’homme et humanisme », 11).
Paradis, Alexandre. Kamouraska (1674-1948). Réédition de l’ouvrage paru en 1948. Kamouraska, Conseil de Fabrique, 1984. xix-337 p.
Québec (province). Le comté de L’Islet : Inventaire des ressources naturelles et industrielles. S.l., Ministère de l’Industrie et du Commerce, 1943. 70 p.
 
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