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Alexis Mailloux, historien
Thème : Culture

Alexis Mailloux, historien de l’île aux Coudres

Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 5 juin 2002


Les historiens ne sont pas nombreux dans le Québec du XIXe siècle. La majorité d’entre eux, à l’image de l’historien national François-Xavier Garneau (1809-1866), s’intéressent à l’histoire du Canada et produisent des ouvrages d’érudition à ce sujet. Toutefois, il est rare à cette époque, que des historiens racontent l’histoire régionale. C’est pourtant le cas d’Alexis Mailloux, auteur d’une histoire de l’île aux Coudres, ouvrage paru en 1879. Mais, l’abbé Alexis Mailloux n’est pas seulement un historien, c’est aussi un personnage qui a marqué l’histoire de Charlevoix et du Québec.
 
Né à l’île aux Coudres le 8 janvier 1801, Alexis Mailloux provient d’une famille pauvre. Son excellent travail scolaire incite l’abbé Jérôme Demers, alors directeur du Séminaire de Québec, à défrayer les études du jeune Alexis Mailloux en vue de la prêtrise. Alexis Mailloux est ainsi ordonné prêtre en 1825. Le nouvel ordonné est immédiatement nommé dans la paroisse Saint Roch à Québec à titre de desservant. Il devient le curé de Saint Roch en 1829 et ce jusqu’en 1833. Alexis Mailloux est par la suite nommé dans la paroisse de Sainte Anne de la Pocatière à titre de curé. Il prend aussi une place importante dans le directorat du Collège Sainte-Anne. L’abbé Mailloux est un homme sévère et rigoureux. Un de ses contemporains, l’abbé David Gosselin, le décrit de manière assez peu flatteuse:
 
« Son physique n’a rien de séduisant, large tête, grand front obstiné, oeil sévère et scrutateur, nez à porter des lunettes, lèvres fortes et teint gris pâle. Il était autoritaire, plus ou moins aimable et un peu grognard à certaines heures, trop indépendant des lois de l’étiquette. Mais, cette enveloppe, presque rustique, cachait une réelle bonté. »
 
La force de caractère de l’abbé Alexis Mailloux lui est d’un grand secours tout au long de son apostolat. Prédicateur de la tempérance dans le Diocèse de Québec, il combat les ravages de l’alcoolisme avec force. L’abbé Mailloux est l’initiateur de la célèbre Croix noire de la Tempérance dont la présence s’impose dans de nombreux foyers québécois au XIXe et au XXe siècle. L’abbé Mailloux est aussi appelé à combattre l’abbé Charles Chiniquy, apostat de la l’Église catholique devenu protestant, aux États-Unis. Sans relâche, l’abbé Mailloux incite durant cinq ans les catholiques américains dont un bon nombre sont des canadiens-français à ne pas adjurer la foi catholique. L’abbé Mailloux revient par la suite au Québec en 1863, à titre de curé de Bonaventure. Sans abandonner la prédication, l’abbé Mailloux prend toutefois sa retraite en demeurant à Saint Henri de Lauzon jusqu’à sa mort survenue en août 1877. C’est au cours de ses dernières années de vie que l’abbé Alexis Mailloux se consacre davantage à l’écriture.
 
L’oeuvre littéraire de l’abbé Alexis Mailloux est importante. En 1851, il fait paraître le Manuel des parents chrétiens. Ce livre se veut un résumé de l’enseignement de l’Église catholique à l’intention des éducateurs et des parents. L’approche de l’abbé Mailloux est très rigoriste. Cependant, l’ouvrage connaît un réel succès de diffusion et de nombreuses rééditions. Outre sa production religieuse, l’abbé Alexis Mailloux se fait aussi historien. Il raconte dans sa Promenade autour de l’ile aux Coudres (paru en 1880 chez Firmin H. Proulx de La Pocatière) et surtout avec son Histoire de l’île aux Coudres (paru en 1879 chez Burland-Desbarats à Montréal) ses souvenirs personnels au sujet de cette île de Charlevoix où il est né. Le ton de ces ouvrages d’histoire, paru après la mort de leur auteur, n’est pas uniquement religieux. L’abbé Mailloux laisse tomber sa sévère chape de Grand vicaire de la Tempérance et raconte son enfance passée à l’île aux Coudres. Il est amusant et fort intéressant de lire par exemple ses descriptions de la chasse aux rats dans l’île aux Coudres d’autrefois ou encore de la pêche aux marsouins contenant de nombreux détails. Les livres de l’abbé Alexis Mailloux sur l’île aux Coudres sont donc issus d’un travail de mémoire et ils demeurent un témoignage unique sur la vie insulaire au XIXe siècle.
 
Prêtre, apôtre, prédicateur, écrivain, historien, l’oeuvre de l’abbé Alexis Mailloux est multiple. Si son travail pastoral demeure aujourd’hui contesté, son oeuvre d’historien de l’île aux Coudres ne suscite pas la controverse. L’abbé Alexis Mailloux, en nous laissant ses souvenirs, a réalisé une oeuvre inestimable et la population de l’île aux Coudres et du Québec bénéficie grâce à cela de l’une des plus précieuses monographies paroissiales réalisées par un auteur québécois au XIXe siècle. Sans conteste, l’abbé Alexis Mailloux mérite le titre de premier écrivain de Charlevoix et son travail d’historien est essentiel pour « la suite du monde » à l’île aux Coudres et dans Charlevoix. 
 
Bibliographie :

Desgagné, Jean-Jacques. « Notre premier écrivain charlevoisien : l’abbé Alexis Mailloux », Charlevoix, 1, 4, avril 1987, p. 27-28. 
L’histoire de l’île aux Coudres de l’abbé Alexis Mailloux a été rééditée :
Mailloux, Alexis. Histoire de l’Ile-aux-Coudres avec ses traditions, ses légendes, ses coutumes. Montréal, Comeau et Nadeau, 1998. 91 p.
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