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Le Saguenay : une chasse-gardée
Thème : Société et institutions

Le Saguenay : une chasse-gardée montagnaise

Camil Girard, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 2003


Dans le commerce des fourrures, les Européens n'ont pas d'autre choix que de recourir à l'expertise des Amérindiens qui sont des partenaires indispensables dans la cueillette des fourrures, à la différence de la pêche où leur contribution est plus négligeable. Les autochtones sont les seuls à connaître et à pouvoir exploiter les bassins à fourrures du Saguenay. Grâce au canot d'écorce, ils peuvent franchir lacs et rivières et se déplacer avec une très grande facilité. Les raquettes et les traîneaux assurent les déplacements d'hiver. Les autochtones de la forêt laurentienne et boréale ont apprivoisé l'hiver. Sans atteindre la perfection des Inuit, ils ont su développer des techniques de survie surprenant les premiers Européens, eux qui ont un mal fou à s'adapter aux grands espaces et à la rigueur du climat. Ce sont là des raisons qui expliquent pourquoi les Montagnais du Saguenay, que l'on identifie aujourd'hui à la Première nation ilnue, ont joué, jusque vers 1650, un rôle primordial dans le commerce des fourrures.

La théorie de la chasse-gardée montagnaise s'inscrit dans une approche qui appréhende l'Amérindien comme un acteur qui évolue dans un double rapport, celui de l'écologie et celui de l'économie. Cette approche a été précisée par un historien de l'Université du Québec à Chicoutimi, Jean-Paul Simard, dans un article qui remet en question certains acquis sur la connaissance historique de la période. Par une analyse qui emprunte à l'anthropologie historique, Simard veut reconsidérer l'image traditionnelle véhiculée sur les Amérindiens. S'ils restent des chasseurs et des pêcheurs qui cherchent à vivre en harmonie avec leur milieu naturel, les Montagnais du Saguenay (Simard préfère les identifier à leur animal éponyme, les Kakouchaks ou Porcs-Épics) deviennent, dans la structure de l'économie des fourrures, des intermédiaires ou de petits commerçants spécialisés. Une tribu, les Kakouchaks du Piékouagami (lac Saint-Jean) aurait, jusqu'au milieu du 16e siècle, contrôlé ce commerce à l'intérieur des frontières du Saguenay. 

Le cycle des échanges s'organise alors comme suit. Les Français viennent ancrer leurs navires à Tadoussac, habituellement en juin. Ils apportent des produits de l'industrie française qu'ils échangent avec les Kakouchaks. Ces derniers sont les seuls à pénétrer à l'intérieur des terres pour traiter avec les tribus alliées dans des lieux de foire.

Les principaux sites de ces foires se trouvent près de l'actuelle ville d'Alma, à l'entrée de la Grande Décharge et de la Petite Décharge. Sur le trajet de la rivière Ashuapmushuan, le lac Nicabau, en raison de sa position géographique avantageuse, aurait été un lieu très actif où les Amérindiens traitaient entre eux. Situé au carrefour de trois grandes voies de navigation intérieure, Nicabau se trouve à une distance relative comparable entre les bassins des eaux du lac Saint-Jean, de la rivière Saint-Maurice et du lac Mistassini, ce qui facilite les rencontres. Enfin, comme lieu possible, Mouchau Ouraganish, sur la Mistassibi, compléterait le réseau des foires organisées par les autochtones du Saguenay. Les foires terminées, les Porcs-Épics apportent leurs fourrures aux Français qui attendent à Tadoussac. L'automne venu, les Européens repartent avec leur cargaison alors que les Amérindiens prennent le chemin de leur territoire de chasse où ils passeront l'hiver avec leurs familles.
 
 
Bibliographie :

Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
 
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