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Paul Couture
Thème : Économie

Paul Couture à Laterrière en 1883. Un pionnier de l’éducation dans le domaine agricole

Camil Girard et Laurie Goulet, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 2003


L'activité économique pratiquée au Saguenay–Lac-Saint-Jean pendant les premières années de colonisation se limite à la coupe forestière et à l'agriculture. Dans l’esprit du temps, les cultivateurs doivent être le plus autonome possible afin de vivre convenablement, car les magasins généraux sont peu nombreux et les marchandises sont limitées. C'est dans ce contexte que certaines industries laitières voient le jour dans les années 1880. À Laterrière, Paul Couture fonde une beurrerie-école en 1883. Voyons le sort réservé à cette institution et les difficultés rencontrées par l'industrie du beurre dans la région.
 
En 1883, Paul et Octave Couture mettent en place une beurrerie-école à Laterrière. Cette industrie régionale remporte du succès pendant quelques temps. Les deux hommes réussissent même à obtenir des allocations gouvernementales afin de faire fructifier leur investissement de 3 000 $. S’appuyant dès le départ sur les innovations de l’heure, ils investissent dans de l’équipement spécialisé. La beurrerie est très bien équipée : séparateurs centrifuges (afin de séparer la crème du lait), baratte (pour battre la crème qui devient du beurre), malaxeur et moteur à vapeur. L'industrie peut écrémer 2 640 litres de lait en quatre heures et fabriquer 450 kilos de beurre par jour. Ces quantités représentent des maximums qui ne seront que rarement atteints. En effet, en 1883 on produit 4 953 kilos de beurre pendant la saison qui s'étale du 2 juillet au 14 octobre, ce qui revient à 45 kilos par jour. L'année suivante, 10 133 kilos de beurre sont produits du 2 juin au 3 novembre, soit 66 kilos par jour. Ces données montrent que la beurrerie fonctionne environ à 15 % de sa capacité maximum pendant la saison estivale. 
 
Paul Couture possède des débouchés sur les marchés internationaux, car les exportateurs apprécient son produit. Malheureusement, la faible productivité de l'industrie nuit aux ventes. La cause de cette production déficitaire réside dans le manque de matière première. En effet, les agriculteurs n'apportent pas leur lait aux Couture, car ils se méfient semble-t-il de cette usine qui produit de façon industrielle. De plus, l'ouverture d'une fromagerie à Laterrière en 1886 n'arrange en rien le problème. Les producteurs vont livrer leur lait à cet endroit et délaissent la beurrerie. Une baisse significative de la quantité de lait apportée est d'ailleurs constatée: des 219 447 litres de lait apportés en 1885, les cultivateurs n'en apportent que 192 911 litres en 1886. Cette baisse soutenue de matière première mène à la fermeture de la beurrerie en 1900. Elle deviendra une fromagerie qui produira de petite quantité de beurre au mois de novembre et de décembre seulement. 
 
La plupart des beurreries qui sont fondées sur le territoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean ont une courte durée de vie. Les marchés locaux sont pratiquement absents et rendent l'écoulement du produit difficile. En 1895, on compte quatre beurreries dans le comté Chicoutimi et deux dans le comté Lac-Saint-Jean. Parmi ces établissements laitiers, seulement deux opèrent pendant l'hiver (Saint-Alexis de Grande-Baie et Saint-Alphonse de Bagotville). Cet arrêt provient de la qualité du produit final, car le lait d'hiver, plus rare, n'a pas le même goût que celui de l'été. 
 
Les progrès en réfrigération contribueront toutefois à la reprise de la production de beurre. En 1895, des pressions de plus en plus fortes se font sentir. Les agriculteurs réclament des compartiments réfrigérés au sein des transporteurs maritimes et ferroviaires pour la production du beurre. Le gouvernement fédéral travaille en ce sens et obtient que les cargaisons demeurent au frais.  De son côté, le gouvernement provincial accorde des subventions afin de construire des glacières dans les fabriques des municipalités.
 
En définitive, l'industrie du beurre au Saguenay–Lac-Saint-Jean a connu des débuts assez difficiles mais connaît un revirement au tournant du 20e siècle. La technologie y est pour quelque chose, surtout en ce qui concerne les méthodes de réfrigération. Paul et Octave Couture ont fait preuve d’initiative et de détermination en investissant dans un domaine où tout était à faire.
 
 
Bibliographie :

Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
 
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