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Structure sociale et culture chez les Ilnus
Thème : Société et institutions

Structure sociale et culture chez les Ilnus du Saguenay

Camil Girard, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 30 octobre 2003

 
Les Montagnais du Saguenay se divisent en tribus ou bandes qui exploitent les mêmes territoires de chasse. L'unité de base des Montagnais, c'est la famille. Le clan regroupe des familles parentes. Plusieurs clans qui exploitent un même territoire de chasse constituent une tribu ou des bandes, comme les Porcs-Épics ou aux Mistassins, à titre d'exemple. Au plan culturel et linguistique, les Montagnais forment une nation. Cependant, ils n'ont aucun gouvernement central organisé.

Le travail en forêt exige des Montagnais un partage précis des tâches. L'homme s'occupe de la grosse chasse et pourvoit sa famille de l'essentiel. La femme vaque à divers travaux autour de la tente permanente. En plus de préparer les repas et de pratiquer la petite chasse, l'épouse fend le bois pour le feu. Le mari fabrique les varangues et les carcasses de bois, sa compagne coud et calfate. La préparation des peaux est généralement dévolue aux femmes. Une fois la fourrure enlevée de l'animal, il faut retirer les surplus de graisse ou de chair, épiler, sécher, puis tanner et assouplir, toutes des tâches qui reviennent aux femmes. Chez les Montagnais, l'héritage semble s'inscrire dans une filiation matrimoniale. Dans un tel contexte de vie, la famille constitue l'unité sociale par excellence et c'est autour d'elle que s'accomplissent les rites de passages de la naissance, de la puberté, du mariage ou de la mort.

Le Montagnais vit dans un univers animiste ou, si l'on veut, dans une atmosphère de spiritualité profonde qui le rend réceptif aux enseignements spirituels du chaman. Les premiers missionnaires, en conflit perpétuel avec les sorciers, ne manquent pas de dénoncer leurs pratiques. Parlant de l'un d'eux comme d'un médecin de malheur qui, par ses chants, essayait de guérir un malade, Le Jeune affirme : « Parfois cet homme entrait comme en furie, chantant, criant, hurlant, faisant bruire son tambour de toutes ses forces... » Mais même s'il dénonce « les contradictions profondes et ridicules qui entourent les croyances païennes des Montagnais », Le Jeune voit, non sans quelque envie, que le chaman a une influence considérable sur ses fidèles qui ont une foi profonde en lui.
Pour le Montagnais du 17e siècle, il existe des manitous bons ou méchants et de forces inégales qui habitent les hommes, les eaux, les rochers, les plantes, les animaux, les vents et les astres. L'esprit du soleil fait pousser les plantes, celui de la lune éclaire la nuit. Comparé au christianisme monothéiste où Dieu est tout-puissant et abstrait, l'Amérindien a une religion intégrée à un univers concret. Chez le Montagnais, l'univers est un ensemble où tout se tient, si bien que sans ses arbres, la forêt n'est plus forêt par exemple.

Les Montagnais que rencontre Le Jeune font connaître leur conception de l'univers. Atachocam aurait créé le monde et Messou l'aurait réparé après un déluge destructif. Le soleil serait marié avec la lune. Le premier marcherait le jour, l'autre la nuit. Les éclipses s'expliqueraient par le fait que le soleil ou la lune prennent momentanément leur fils dans leur bras. Les comètes ne seraient que des animaux à grande queue qui se promènent dans le ciel. Le tonnerre apparaîtrait comme un autre animal qui mange des serpents et des arbres. Chaque animal posséderait un grand frère de qui origine toute l'espèce. Les Montagnais distinguent deux grands esprits saisonniers. Le premier, Nipinoukhe ramènerait le printemps et l'été, le second, Pipounoukhe, la saison froide. Ces deux esprits se partageraient le monde. Dans leurs rêves qui permettent une communication directe avec l'au-delà, les autochtones du Saguenay voient des augures de bonnes ou de mauvaises chasses. Au besoin, ils font des offrandes pour plaire à l'âme d'un animal afin de favoriser la chasse. Pour les autochtones, l'esprit des hommes et des bêtes doit aussi se nourrir d'où l'importance d'offrir des aliments aux âmes qui doivent se rendre dans un au-delà où tout est profusion.

Parmi les principaux rites pratiqués par les Montagnais, ceux de la suerie et la tente tremblante sont les plus connus. La suerie est organisée pour assurer le succès d'une chasse ou pour conjurer les esprits d'une maladie qui assaille. Dans une petite tente en forme de dôme, les patients entrent sous la conduite d'un initié. Pendant que l'eau est versée sur des pierres chauffées et qu'une vapeur chaude envahit l'espace, l'officiant chante pour apaiser les esprits. La tente tremblante ou le ouabano permet au Montagnais d'entrer en contact avec une multitude d'esprits à la fois. Le jongleur ou le sorcier entre alors seul dans la tente et invoque les esprits dans une langue inconnue de l'auditoire. Dans un chant qui va en crescendo, la tente se met à trembler et le sorcier profite de ce moment privilégié pour recueillir les messages des esprits. 

En somme, dans tous ses gestes quotidiens, l'Amérindien montre une grande religiosité. Ses croyances s'inscrivent dans un univers mental où tout est sacré. Il n'a de païen que le regard tout chrétien que pose sur lui la société occidentale.
 
 
Bibliographie :

Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
 
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