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Une histoire d’art
Thème : Culture

Une histoire d’art

Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 24 mai 2002


Charlevoix, paradis des artistes. Le slogan touristique est bien fondé. Depuis le XVIIIe siècle cette région attire les peintres par ses paysages magnifiques et sa luminosité perçue comme exceptionnelle. Déjà, en juin 1759, un soldat de l’armée britannique, John Knox, décrit le paysage de Baie-Saint-Paul en des termes fort élogieux:
 
« À peu de distance, direction nord-ouest, de ce promontoire s’en élève un autre et, entre les deux, une belle vallée s’étend, au milieu de laquelle se trouve le village pittoresque de Saint-Paul (Baie-Saint-Paul) avec une grande église...Je crois que jamais je n’ai vu établissement situé dans un endroit aussi enviable; les habitations paraissent bien entretenues et fort convenables. »
 
Baie-Saint-Paul s’avère d’ailleurs, au XXe siècle, le point de rencontre de nombreux peintres. Ce n’était toutefois pas le cas auparavant. Aux XVIIIe et XIXe siècles, des arpenteurs britanniques parcourent la région et sont chargés de cartographier le territoire. Désignés sous le nom de peintres topographes, quelques-uns d’entre eux effectuent des croquis du paysage charlevoisien. En 1784, James Peachy produit deux dessins, un au sujet de La Malbaie et un autre de l’île aux Coudres. En 1807, George Heriot publie dans son ouvrage Travels Through the Canadas, une gravure représentant Baie-Saint-Paul. Aussi, John Bigsby publie dans son livre The Shoe and Canoe paru en 1850, des illustrations de paysages de la région de Charlevoix. 
 
Tout au cours du XIXe siècle, La Malbaie se démarque comme centre touristique. Avec la Croisière du Saguenay dont elle constitue une étape importante, cette localité charlevoisienne accueille de nombreux touristes et villégiateurs. Plusieurs de ces visiteurs établissent leur résidence d’été sur le Boulevard des Falaises à Pointe-au-Pic. Dans ce contexte, certains peintres anglophones effectuent des séjours dans le secteur. Parmi ceux-ci, il faut signaler quelques noms: James Duncan, Otto R. Jacobi, Charles Way Jones, Henry Sandham, Charles O’Brien et William Brymner qui s’impose comme un des premiers peintres à séjourner à Baie-Saint-Paul chez une dame Fréchette à l’été 1885. 
 
En fait, La Malbaie est un peu victime de sa popularité touristique. De nombreux peintres en viennent à délaisser le secteur jugé d’un intérêt moindre parce que trop fréquenté. Ils se rendent alors en plus grand nombre à Baie-Saint-Paul. Il s’agit notamment de membres du Groupe des Sept, des artistes canadiens attirés par les beaux paysages de la région De grands noms s’imposent: Alexander Young Jackson, Arthur Lismer, George Pepper, Kathleen Daly, Frédérick Hutchison. 
 
Au début du XXe siècle, le peintre québécois Clarence Gagnon s’établit durant de longues périodes à Baie-Saint-Paul et il y créé de nombreuses œuvres. Les paysages de Baie-Saint-Paul peints par Clarence Gagnon deviennent une véritable référence artistique. Gagnon prend aussi un soin remarquable à peindre les maisons anciennes de Baie-Saint-Paul et il déplore que la population locale ne conserve pas toujours leurs caractéristiques originales. Dans le sillage de Clarence Gagnon, plusieurs peintres fréquentent Baie-Saint-Paul. C’est l’heure de gloire de Baie-Saint-Paul à titre de lieu d’accueil des artistes. C’est Clarence Gagnon qui incite le peintre René Richard à se rendre à Baie-Saint-Paul. René Richard s’établit par la suite à demeure dans ce village où il épouse Blanche Cimon, native de Baie-Saint-Paul. Jusqu’à son décès en 1982, le nom de René Richard est étroitement lié à la vie artistique à Baie-Saint-Paul. 
 
Plusieurs autres artistes québécois de renom se rendent peindre à Baie-Saint-Paul, notamment Jean-Paul Lemieux qui établit son domaine à l’île aux Coudres ou encore Marc-Aurèle Fortin qui séjourne quelque temps dans la région. Il existe encore aujourd’hui plusieurs artistes reconnus qui sont résidants de Baie-Saint-Paul. Notons les peintres Bruno Côté, Louis Tremblay et Guy Paquet parmi de nombreux autres. Les visiteurs peuvent visiter de nombreuses galeries d’art établies dans cette localité. La tradition artistique se poursuit particulièrement à Baie-Saint-Paul dans le sillage de Françoise Labbé créatrice en 1982 du Symposium de la jeune peinture qui se tient depuis chaque année à Baie-Saint-Paul. Madame Labbé est aussi à l’origine de l’établissement du Centre d’exposition de Baie-Saint-Paul en 1992. Baie-Saint-Paul est désormais une ville d’art reconnue. 
 
Charlevoix, paradis des artistes, s’érige donc sur une tradition vieille de plus de 200 ans. Les peintres d’importance mais aussi ceux du dimanche s’y rendent avec plaisir à la recherche des paysages d’une région qui attire les regards. L’histoire de l’art de Charlevoix se poursuit donc et elle ne cesse d’émerveiller les amateurs d’art en quête de beauté.
 
Bibliographie :

Baker, Victoria A. Images de Charlevoix (1784-1950). Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal, 1981. 178 p.
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