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Chania

Les Trappistes
Thème : Société et institutions

Les Trappistes s'installent à Mistassini au 19e siècle. Des innovateurs en milieu rural

Camil Girard, Laurie Goulet, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 2003

 
Pendant les premières années de colonisation du Lac-Saint-Jean, les colons ont pu compter sur l'appui de certaines communautés religieuses afin de les soutenir. À la fin du 19e siècle, les Trappistes s'installent donc à Mistassini et apportent beaucoup d'aide particulièrement en agriculture. 
 
En 1892, trois trappistes quittent le monastère Notre-Dame-du-Lac à Oka pour se rendre à Notre-Dame de Mistassini sur le territoire du Lac-Saint-Jean. Les autorités ecclésiastiques et le gouvernement provincial participent à ce projet. Ils choisissent les Trappistes parce qu'ils sont reconnus pour leur maîtrise de l'agriculture. La ferme qu'ils mettent sur pied sert ainsi de modèle pour les agriculteurs qui s'installent sur le territoire. De plus, les Trappistes font participer leur bétail dans les expositions agricoles de Chicoutimi et de Québec et récoltent de l'argent et plusieurs prix. Les animaux gagnants, des chevaux, des porcs ou des vaches, servent par la suite aux croisements avec les animaux des agriculteurs afin que la qualité des cheptels s'accroisse. La communauté donne également des cours sur les méthodes de culture et deviennent de cette façon des éducateurs agricoles. Ils font également connaître les innovations au plan des instruments aratoires tels que le semoir et la moissonneuse-lieuse. 
 
En 1897, un moulin à farine est construit auquel se joint une beurrerie. Au début du 20e siècle, les Trappistes installent leur fromagerie qui fournira des emplois aux colons. L'industrie laitière du Saguenay–Lac-Saint-Jean est tournée majoritairement vers le fromage ou le beurre, mais les Trappistes innovent en produisant du port-salut et du oka, contrairement au traditionnel cheddar saguenayen. Par contre, l'initiative trappiste est contestée parce qu’elle nuit aux petites fromageries qui ouvrent leur porte seulement six mois par année. En effet, les agriculteurs vont vendre leur lait aux Trappistes qui les paient bien, car leurs coûts de production sont faibles. Les autres fromageries n'ont pas les moyens de rivaliser avec les prix de la communauté religieuse. Ils perdent ainsi leur matière première et doivent fermer leurs portes. Des plaintes sont adressées à l'évêché qui essaiera d’arranger les choses.
 
L'implication des Trappistes au Lac-Saint-Jean dépasse le domaine agricole. Ils mettent en place un service postal en 1893 et se concentrent particulièrement sur les voies de communication, qu'elles soient routières, maritimes ou ferroviaires. Ils travaillent par ailleurs pour que le chemin de fer se rende jusqu'à Mistassini. Ils n'obtiennent satisfaction qu'en 1927 lors de l'ouverture de l'usine de pâtes et de papier de Dolbeau (la ville prend naissance avec l'usine). La construction d'une usine a toujours été encouragée par les Trappistes. Ils étaient conscients de l'importance d'une industrie qui fournirait un marché pour leurs produits agricoles et assurerait la prospérité de la population locale. 
 
Les Trappistes favorisent également les échanges commerciaux. Un magasin leur appartenant ouvre ses portes en 1893, mais est vendu vingt ans plus tard à la suite de nombreux problèmes. Une scierie entre également en fonction dès 1893 et fournira le matériau de construction aux colons en plus de créer quelques emplois dans la communauté. Toujours à la recherche de nouvelles idées, au début des années 1920, les pères lancent une conserverie de fèves, de pois, de poulets et de bleuets. En 1939, une confiserie prend forme à Dolbeau. Le 16 janvier 1978, le commerce devient La Chocolaterie des pères trappistes de Mistassini inc. Depuis ce temps, la réputation de leurs produits grandit et fait travailler quelques religieux et laïcs.
 
Les Trappistes de Mistassini n'ont pas toujours eu la vie facile. Au moment de leur arrivée, ils ont rencontré plusieurs obstacles. Ils ont également été victime de critiques venant des curés des autres paroisses et de particuliers qui trouvaient qu’ils prenaient parfois trop de place. L'évêque du diocèse leur a même reproché parfois d’avoir un esprit par trop mercantile. Reste que les Trappistes ont su demeurer présents dans la sous-région du Lac-Saint-Jean tout en montrant un dynamisme et un esprit d’innovation dont la population régionale a pu tirer avantage à plus d’un titre.


Bibliographie :

Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
Perron, Normand. « L'action des Trappistes dans la région de Mistassini », Saguenayensia, vol. 19, no 4 septembre-octobre, 1977, p. 91-95.
 
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