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Thème : Économie

L’isolement relatif du Témiscamingue : les routes d’accès, des projets à la réalité 

Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 29 octobre 2002


Dès son ouverture à la colonisation agricole, à la fin des années 1880, le développement du Témiscamingue se fait par des routes passant en Ontario. Les coureurs des bois, les missionnaires et les premiers marchands de bois remontent la rivière des Outaouais pour se rendre au Témiscamingue. Par la suite, les marchands de bois et les colons utilisent le chemin de fer qui passe sur le territoire ontarien. Au début du XXe siècle, il existe un réseau routier reliant les paroisses de colonisation du Témiscamingue. Mais, il n’y a pas de route reliant le Témiscamingue à ses régions voisines immédiates. La Chambre de commerce de Ville-Marie en fait alors son cheval de bataille et vise par le fait même le développement touristique. Par contre, même si ces projets ne se réalisent pas, ils mettent en lumière les faiblesses des infrastructures routières, tant historiques qu’actuelles. 
 
Les premiers chemins du Témiscamingue sont l’œuvre des marchands de bois. Certains de ces chemins sont par la suite transformés en chemin de colonisation. C’est le cas du chemin Des-Quinze, construit en 1883 pour relier le quai de Ville-Marie à la baie Gillies, sur le lac Des-Quinze. Des familles de colons l’empruntent dans les années suivantes et s’établissent en cours de route, notamment à Lorrainville et à Fugèreville. Par ailleurs, à compter de 1888, le gouvernement du Québec entreprend la construction d’un réseau routier régional qui s’étend parallèlement à la fondation de colonies. Cette année-là, il fait construire deux chemins. Un premier va de Ville-Marie à Guigues, vers le nord, pour atteindre éventuellement Notre-Dame-du-Nord, Guérin et Rouyn-Noranda, en 1927. Un second chemin se dirige vers le sud, à la Petite Rivière Blanche, poursuit sa course vers Fabre et plus tard, vers Laniel et Témiscaming. 
 
En 1926, la Chambre de commerce de Ville-Marie lance l’idée de relier par un traversier les rives ontariennes et québécoises du lac Témiscamingue, entre la mission Saint-Claude et le Fort-Témiscamingue. Cela permettrait d’améliorer les échanges commerciaux et agricoles entre les deux régions, en plus de stimuler le développement touristique autour du lac Témiscamingue. Mais, ce projet ne se concrétise pas et, au début des années 1930, il n’existe aucun chemin reliant le Témiscamingue aux autres régions québécoises. À cette époque, le réseau routier régional s’avère incomplet puisqu’il s’arrête à Fabre, au sud de la région, sans atteindre le petit village de Laniel ni la ville forestière de Témiscaming. Dans les décennies suivantes, divers groupes de la région proposeront des tracés de routes afin de compléter le réseau routier et de relier le Témiscamingue aux régions québécoises voisines. 
 
En 1927, la Chambre de commerce de Ville-Marie demande au gouvernement du Québec de construire une route de Fabre à Témiscaming puis de là, jusqu’à Sheenboro, située dans la partie nord du Pontiac. Ainsi, les activités économique et touristique du Témiscamingue se tourneraient vers la région de Montréal au lieu de la région de Toronto. Une partie de ce projet se matérialise en 1946 lorsque le gouvernement québécois fait construire la route de Témiscaming à Fabre et entreprend la réfection de la route entre Fabre et Rouyn-Noranda. Cette route porte le numéro 46 et elle est asphaltée en 1947. Encore aujourd’hui, il s’agit de la seule route québécoise reliant le Témiscamingue au reste de la province, en passant par l’Abitibi. 
 
Au début des années 1940, la question de la construction de routes vers d’autres régions québécoises alimente les débats au Témiscamingue et dans les régions concernées. Quatre projets de routes sont alors élaborés et chaque route possède ses promoteurs. Il s’agit, dans tous les cas, de favoriser le développement économique et touristique. Le premier projet favorise la construction d’une route reliant Belleterre à Le Domaine, situé dans le parc de La Vérendrye, et la création d’une réserve de chasse et pêche le long de cette route. Le deuxième projet suggère l’ouverture d’une route d’un point de cette dernière et se rendant jusqu’à Sheenboro, dans le Pontiac. Le troisième projet propose la construction d’une route partant de Bellecombe, dans le secteur de Rouyn-Noranda, pour atteindre le secteur est du Témiscamingue en enjambant les ponts du Grassy Narrow sur le lac Des-Quinze. Finalement, la réalisation du quatrième projet de route permettrait de relier le secteur de Tee Lake au Grand Lac Victoria, situé vers le nord-est. 
 
Ces dossiers tombent par la suite dans l’oubli, faute de concertation entre les intervenants et devant les sommes importantes à investir de la part des gouvernements. Au début des années 1970, un groupe du Témiscamingue rouvre le dossier et relance l’idée de la construction de la route de Belleterre à Le Domaine et de la création d’un parc national. Après quelques années de travail et de pourparlers, ce projet est délaissé pour ensuite revenir à l’avant-scène au début des années 1990, sans plus de succès. Par ailleurs, au début des années 1980, le gouvernement québécois entreprend la construction de la route de Témiscaming à Maniwaki. Après deux ans de travaux, le gouvernement y met fin sous la pression de groupes du Témiscamingue, qui s’aperçoivent que cette route aurait éventuellement des effets néfastes sur l’économie régionale. 
 
Malgré les propositions de routes extra-régionales intéressantes soulevées par les groupes du milieu, le gouvernement québécois préfère plutôt investir dans l’amélioration du réseau routier régional en reliant Témiscaming, au sud, à Rouyn-Noranda, au nord. Aujourd’hui, le Témiscamingue compte deux seules portes de sorties routières. L’une vers le nord passe par Rouyn-Noranda et Val-d’Or et l’autre vers le sud traverse l’Ontario avant de rejoindre la région montréalaise. 


Bibliographie : 
 
Archives de la Société d’histoire du Témiscamingue. Fonds Augustin-Chénier. Dossier de correspondance, 1925-1947. 
Riopel, Marc. Les fractions de l’élite locale et le développement du Témiscamingue, 1939-1950. Mémoire de maîtrise (histoire), Université du Québec à Montréal, 1989. 134 p.
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