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L’industrie forestière depuis 1960
Thème : Économie

L’industrie forestière en Abitibi-Témiscamingue, depuis 1960

Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 23 décembre 2002


Les années 1960 amènent de nombreux changements dans le secteur forestier en Abitibi-Témiscamingue. Le travail en forêt se déroule désormais sur 12 mois et la mécanisation progresse sans cesse. Le gouvernement introduit de nouvelles politiques de développement forestier, selon les secteurs d’activités. Celui du bois d’œuvre connaît un essor considérable, notamment sous l’impulsion de familles abitibiennes qui exploitent de grandes scieries. Le secteur des pâtes et papiers subit un choc terrible avec l’annonce de la fermeture du moulin de la Canadian International Paper,  à Témiscaming. Par contre, la compagnie Tembec voit le jour et reprend la direction de ce moulin. Des groupes populaires revendiquent une meilleure gestion de l’environnement et obtiennent la fin du flottage du bois sur les rivières et lacs de la région. Des usines de pâtes et papiers sont également construites en Abitibi, à la même époque. 
 
Au début des années 1960, la réorganisation du travail en forêt et l’introduction de nouvelles technologies permettent l’étirement des activités de récoltes forestières à l’année longue. Toutefois, cela affecte considérablement les paroisses agroforestières de la région. Le rapport entre la pratique de l’agriculture de survie et le travail en forêt pendant le reste de l’année s’en trouve donc bouleversé. Désormais, les agriculteurs-bûcherons doivent choisir entre l’une ou l’autre occupation et la pratiquer de façon professionnelle, toute l’année. Les activités forestières se déroulent maintenant sur 12 mois et les bûcherons utilisent des tronçonneuses et, plus tard, des débusqueuses pour couper et transporter les billes de bois. Les campements forestiers sont modernisés, agrandis et dotés de l’électricité. Les bûcherons regagnent leur domicile à chaque fin de semaine, rompant ainsi avec l’isolement qui caractérisait la période précédente. 
 
Dans les années 1960, il existe plusieurs scieries dans la région dont la plupart produisent sur une petite échelle. La faible productivité des nombreuses petites unités de production explique les difficultés de l’industrie du bois de sciage. À la fin de cette décennie, le gouvernement du Québec adopte de nouvelles politiques qui relancent ce secteur d’activités sur de nouvelles bases. En 1968, le gouvernement québécois crée des forêts domaniales dans le Nord de l’Abitibi afin d’assurer l’approvisionnement en matière ligneuse aux propriétaires de scieries. Ainsi, une forêt domaniale est créée à La Sarre afin d’alimenter les scieries de ce secteur et de favoriser la réalisation de projets industriels. Celle de Matagami sert à approvisionner les onze scieries du secteur d’Amos et l’usine de pâtes et papiers de Lebel-sur-Quévillon, tandis que celle de Mégiscane permet l’approvisionnement de trois importantes scieries du secteur de Val-d’Or. 
 
À compter de 1972, le gouvernement introduit des changements dans la gestion des concessions forestières sur les terres publiques. Il rapatrie certaines concessions qu’il redistribue aux scieries. Auparavant, ces dernières devaient négocier annuellement l’allocation de matières ligneuses. Les scieries de l’Abitibi profitent amplement de ces nouvelles politiques gouvernementales. Ces entreprises familiales se transforment en de grands groupes industriels. Ainsi, en 1979, la région compte six des plus importants groupes forestiers québécois. Mentionnons les Normick Perron, Cossette, Rexfor, Saucier, Bienvenu et Barvi qui contrôlent 75 % de l’industrie du sciage au Québec. Dans la décennie 1970, ces groupes industriels multiplient par six leur production de bois scié. La société gouvernementale Rexfor s’implante dans la région en aidant les entreprises en difficulté, comme les scieries de Béarn et de Taschereau, et participe au démarrage de Tembec. 
 
L’histoire de cette dernière entreprise mérite d’être racontée brièvement. À la fin de janvier 1972, la CIP annonce qu’elle fermera définitivement son usine de pâtes à papier de Témiscaming. Il s’agit d’un dur coup pour cette ville monoindustrielle. Quatre anciens cadres de la CIP décident alors de former une compagnie et de relancer le moulin de Témiscaming. La nouvelle entreprise, connue sous le nom de Tembec, compte sur la participation financière et administrative des promoteurs, des employés de l’usine, du gouvernement du Québec par l’entremise de Rexfor, du gouvernement fédéral et divers investisseurs privés. Le moulin Tembec reprend ses activités en octobre 1973. La société Tembois assure dorénavant l’approvisionnement en matière ligneuse. Le groupe Tembec poursuit sa progression dans les décennies suivantes en construisant le moulin Temcell, la cartonnerie Temboard et en acquérant des scieries et d’autres moulins au Québec et en Ontario. 
 
Par ailleurs, au milieu des années 1970, le Regroupement des mouvements populaires du Témiscamingue entreprend une campagne afin de faire cesser les activités de flottage du bois sur les lacs et rivières de l’Abitibi-Témiscamingue. Rapidement, de nombreux citoyens et groupes régionaux souscrivent à cette revendication. Ils allèguent la pollution des cours d’eau et les ennuis causés aux propriétaires riverains du lac Témiscamingue pour justifier leur demande. Après plusieurs semaines de revendications et de moyens de pression divers, la compagnie Tembois accepte de mettre fin au flottage du bois dans la région. C’est alors que l’industrie du camionnage se substitue aux remorqueurs de bois pour alimenter l’usine de Témiscaming. En 1978, les camps de drave sont fermés et les remorqueurs de bois du réseau hydrographique de l’Outaouais supérieur cessent de circuler. 
 
De nouvelles usines de pâtes et papiers sont aussi construites en Abitibi au cours de cette période. En 1965, la compagnie Domtar érige une usine de pâte à papier Kraft sur les bords du lac Quévillon. Parallèlement, cette compagnie entreprend la construction d’une ville, Lebel-sur-Quévillon, pour loger ses travailleurs. En 1982, la ville d’Amos accueille une usine de papier journal, projet réalisé par Donohue en association avec Normick Perron. En somme, l’ajout de ces moulins de pâtes et papiers, le développement du complexe industriel Tembec et la modernisation des scieries viennent consolider la place de l’Abitibi-Témiscamingue comme producteur forestier d’importance au Québec et au Canada.  
 
 
Bibliographie : 

Desrosiers, Raynald. Structure de l’industrie du sciage du Québec. Mémoire de maîtrise, Faculté de Foresterie et de Géodésie, Québec, Université Laval, 1970. 63 p. 
Perron, Martin. L'histoire de l'exploitation forestière dans la région de La Sarre de 1910 à 1980. La Sarre, Capitale forestière du Canada, La Sarre - 1989, 1989. 46 p. 
Riopel, Marc. Le Témiscamingue. Son histoire et ses habitants. Montréal, Fides, 2002. 366 pages. 
Sabourin, Cécile. « De territoire exploité à région: les activités économiques à partir de 1950 », dans Histoire de l’Abitibi-Témiscamingue, sous la dir. de Odette Vincent, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1995, Collection Les régions du Québec no 7, p. 417-480.
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