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Thème : Économie

L’aventure des colons Français au Témiscamingue, 1887-1902

Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., 4 juin 2002

 
La Société de colonisation du lac Témiscamingue (SCLT) est une coopérative de colonisation. La mise sur pied d’un système de transport constitue sa principale réalisation à la colonisation de la région. C’est cependant un épisode moins glorieux de son histoire qui l’a rendue célèbre tant au Québec qu’en France. En effet, en 1887, la SCLT recrute 100 actionnaires en France. Ces derniers auraient voulu participer à l’établissement de familles canadiennes ou rapatriées des États-Unis afin de contribuer au maintien des traditions françaises en Amérique du Nord. Selon une autre interprétation, ces actionnaires français étaient à la recherche d’un bon placement financier en investissant dans la SCLT. Quoi qu’il en soit, ce partenariat s’est avéré désastreux pour les deux parties, comme le relate ce document d’archives qui explique par ailleurs le contexte général de la colonisation du Témiscamingue. 
 
« Depuis que vous avez été appelés à souscrire à l’œuvre [de la colonisation du Témiscamingue], mais surtout depuis le printemps de l’année 1890, date où vous deviez entrer en possession des terres qui vous avaient été promises par la Société de colonisation du lac Témiscamingue, vous avez dû éprouver, bien des fois un légitime désir de savoir ce qu’étaient devenues les sommes d’argent que, dans un élan de patriotisme plutôt que dans un but de spéculation, nous en sommes convaincus, vous aviez placées entre nos mains. 
 
Pour vous faire appréciez les multiples raisons qui nous ont fait involontairement manquer à nos obligations envers vous, il est absolument nécessaire d’entrer dans certains détails concernant l’origine et le fonctionnement de notre Société […]. 
 
Comme vous le savez, l’exode, toujours croissant de nos compatriotes se dirigeant vers les États-Unis d’Amérique faisant craindre pour l’avenir de la race française au Canada, donna l’idée à nos gouvernants et à d’autres personnes éclairées, telles que feu Mgr. Labelle, de s’emparer du Sol en fondant des Sociétés de Colonisation et de diriger vers de nouvelles colonies, ces mêmes compatriotes émigrés aussi bien que le trop plein de nos paroisses pauvres. Notre Société entr’autres, se forma dans ce but et fixa au Lac Témiscamingue le centre de ses opérations. Comme la spéculation est entièrement exclue de telles entreprises et que leur rouage en est toujours coûteux, il nous fallut tout d’abord, trouver des souscripteurs, qui, pour la considération de $200.00 (notez bien, pas 1000 frs. c’était du moins notre calcul) devaient recevoir à l’expiration de cinq ans, chacun 100 acres de terre payés au gouvernement, dont 10 acres de défrichées et une hutte bâtie sur chaque propriété de 100 ou 200 acres, c’est-à-dire pour chaque propriétaire selon les intentions de la loi qui ne permet pas à une personne d’avoir, en son nom, plus de 200 acres. 
 
Nous calculions, par ce moyen, payer toutes les dépenses inhérentes à une œuvre semblable, telles que frais d’administration, salaires d’employés, frais de voyages, aides aux colons pauvres, etc., de la manière suivante :
Voir avant-dernière illustration

De plus $50 par chaque 2me lot pris par les personnes qui en auraient deux, et le produit de la culture de ces défrichements pendant à peu près quatre ans. Bref, d’après ces calculs, nous bénéficiions d’une moyenne de $20 à $70 par souscripteur, ce qui pour 100 souscripteurs nous donnait une somme de $2,000.00 à $7,000.00 plus un octroi de $5,000.00 en terres que nous promettait la loi qui nous avait donné l’existence légale. 
 
Vous avouerez que la perspective était souriante, malheureusement nos calculs se sont trouvés erronés comme vous le verrez par ce qui va suivre. Mais de ce que nous avons fait erreur dans nos calculs, il ne s’en suit pas qu’on doit les considérer malhonnêtes et de croire que nous avons l’intention de tromper qui que ce soit, surtout au bénéfice personnel des directeurs de la Société ou de ses membres, qui ont dû subir, eux aussi, les mêmes conséquences et qui, les premiers, ont depuis six ans, dévoué leur temps sans aucune rémunération, à cette œuvre patriotique il est vrai, mais bien ennuyeuse parfois. 
 
Maintenant voici quels sont les résultats de nos calculs :
Voir dernière illustration


Ce qui représente une perte de $70.00 avec ceux qui n’ont qu’un lot, laquelle sera en partie couverte par les $50 que nous gagnons sur ceux qui ont deux lots. Mais nous direz vous, l’exploitation des défrichements aurait dû couvrir au-delà vos dépenses et vous laisser au moins sans déficit. 
 
Oui, sans doute, si nous eussions été sur les lieux, pour voir aux intérêts de nos membres et aux vôtres Messieurs, mais nous étions à 300 milles de là et d’ailleurs les défrichements étant faits un peu partout, il nous a été impossible d’y songer, vu les dépenses considérables que nous n’avions pas les moyens de faire pour achat de chevaux, bœufs, instruments agricoles de tous genres, bâtisses à ériger pour mettre ces récoltes à l’abri, en attendant la vente qui n’est pas toujours facile, lorsqu’on n’est pas sur les lieux. En définitive nous n’avons absolument rien retiré de cette source, d’autant plus, que pour encourager les colons pauvres, nous avons dû leur donner, à leur propre bénéfice, l’ensemencement de quelques uns de ces défrichements afin de les préserver du reboisement, bien aise encore, lorsque nous n’avons pas eu à leur fournir le grain de semence, ce que nous avons fait cependant dans quelques cas.»
 
Pour conclure cette aventure, mentionnons qu’en 1892, les actionnaires français refusent la proposition de la SCLT de reporter son engagement de quelques années. Ils réclament la dissolution de la Société et le remboursement intégral de leur investissement. Devant l’impasse, en 1894, le ministère des Travaux publics du Québec prend en charge le dossier. Les actionnaires français sont remboursés en 1902 et la SCLT est dissoute, en 1903. 


Bibliographie : 

Société de colonisation du la lac Témiscamigue. Circulaire À Messieurs les souscripteur français (de France) à l’œuvre patriotique du repatriement (sic) et de la Colonisation Canadienne-française (sic) dans les Cantons Duhamel et Guigues, situés au Lac Témiscamingue, Comté de Pontiac, Province de Québec, Canada. Ottawa, 23 décembre 1891. 3 p.
Trépanier, Pierre. « Siméon LeSage et l’affaire du Témiscamingue (1884-1902) ». Revue de l’Université d’Ottawa, juillet-septembre 1977, p. 365-376. 
 
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