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Le fort Témiscamingue, 1679-1760
Thème : Économie

Les premiers pas du fort Témiscamingue, 1679-1760

Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 29 avril 2002.


Lorsque les Français débarquent en Amérique, au XVIe siècle, ils y trouvent plusieurs tribus amérindiennes vivant de chasse, de pêche et de trappe. Un réseau d’échanges se met rapidement en place, les Français obtenant des peaux de fourrures contre des objets d’utilité courante. L’économie de la nouvelle colonie s’oriente alors principalement vers la traite des fourrures, ce qui répond aux besoins de l’industrie du chapeau en Europe. La mode du chapeau y connaît en effet son apogée, la hauteur du couvre-chef indiquant l’importance sociale de la personne. Confinée à ses débuts dans la plaine du Saint-Laurent, l’industrie de la fourrure se déplace rapidement vers les régions nordiques, dont le Témiscamingue et l’Abitibi. Pendant plusieurs décennies, les coureurs des bois et les Algonquins échangeront des objets divers contre des pelleteries, comme l’illustre ce portrait de la traite des fourrures dans la région, à l’époque de la Nouvelle-France. 
 
Au milieu du XVIIe siècle, les Algonquins du Témiscamingue et de l’Abitibi participent à la traite des fourrures avec les Français, en se rendant à Tadoussac ou en allant à Montréal. La qualité des fourrures des Algonquins incite des marchands montréalais à construire un poste de traite dans cette région. Ainsi, en 1679, un premier poste de traite de fourrures voit le jour au Témiscamingue, financé entre autres par les marchands Saint-Germain, d’Ailleboûst et Guillet, qui le construisent sur une île à l’embouchure de la rivière Montréal, sise au sud-ouest de l’actuelle Ville-Marie. Ces marchands sont également à l’origine de la fondation de la Compagnie du Nord, en 1682. Ils choisissent de s’établir au Témiscamingue au lieu de poursuivre leurs explorations vers l’Ouest canadien. 
 
Plusieurs éléments expliquent le choix d’établir un poste de traite au Témiscamingue. D’abord, les peaux de fourrure y sont de meilleure qualité, le castor, principal animal recherché, y étant plus gras. Le lac Témiscamingue est également un carrefour intéressant pour la traite des fourrures. De cet endroit, il est facile d’atteindre les lacs Timagami et Nipissing, situés au sud ainsi que le lac Abitibi et la baie James au nord. Finalement, le Témiscamingue constitue un endroit stratégique pour concurrencer les postes de traite anglais de la Compagnie de la baie d’Hudson, établis à la baie James et à la baie d’Hudson depuis 1670. 
 
La concurrence entre les marchands français et les marchands anglais entraîne de nombreux conflits armés, dont le plus célèbre se déroule en 1686. Ce printemps-là, le Chevalier de Troyes part de Montréal avec des troupes armées, sous le commandement du sieur d’Iberville, afin d’aller prendre les postes de la compagnie rivale, situés à la baie James. L’équipage séjourne au fort de la rivière Montréal. Il poursuit ensuite son itinéraire vers la baie James, en remontant la rivière Blanche. Les hommes du Chevalier de Troyes s’arrêtent au lac Abitibi et y construisent un poste de traite. Arrivés à la baie James, ils gagnent de façon relativement facile leurs batailles contre les Anglais. Les postes de traite de la Compagnie de la baie d’Hudson de ce secteur passent alors aux mains des Français. Toutefois, les Anglais les reprendront en 1713, à la suite du traité d’Utrecht. 
 
Malgré cette importante victoire militaire et commerciale, le commerce des fourrures connaît des difficultés dans la région du Témiscamingue et de l’Abitibi. En 1688, le poste de traite du lac Témiscamingue est détruit, probablement à la suite d’une attaque des Iroquois. Les guerres iroquoiennes font alors rage dans tout le pays, opposant les Iroquois aux Hurons et leurs alliés, incluant les Algonquins. Les Iroquois tentent ainsi de s’accaparer des territoires de chasse fort productifs afin de compenser la diminution du nombre d’animaux à fourrures sur leurs territoires traditionnels, situés dans le nord-est des États-Unis. La Grande Paix de Montréal, signée par les nations amérindiennes en 1701, ramènera notamment la stabilité dans le commerce des fourrures. 
 
Entre-temps, la Compagnie du Nord délaisse ses activités dans le secteur du Témiscamingue et de l’Abitibi. De plus, vers 1700, le marché européen de la fourrure est saturé, décourageant même la compagnie à ouvrir à nouveau ses postes de traite de la région. Pendant ce temps, des Algonquins du Témiscamingue échangent leurs peaux de fourrure aux coureurs des bois et aux marchands non licenciés établis au lac Nipissing. D’autres Algonquins préfèrent se rendre à la baie James et traiter avec les Anglais. Ainsi, malgré la fermeture des postes du lac Témiscamingue et du lac Abitibi, les Algonquins de la région poursuivent leur commerce des fourrures. Cette situation n’est pas sans inquiéter les marchands de Montréal qui voient une partie des peaux de fourrures leur échapper aux profits de concurrents. 
 
Dans cette optique, en 1720, un marchand montréalais du nom de Paul Guillet obtient un permis de traite dans la région. Guillet décide alors de reconstruire le fort Témiscamingue sur un nouvel emplacement, où s’élève aujourd’hui le lieu historique national Fort-Témiscamingue, à huit kilomètres au sud de Ville-Marie. Les Algonquins nomment cet endroit Woo Pa Che Won, ce qui signifie le détroit. M. Guillet choisit cet emplacement en raison de sa position stratégique. Il est en effet facile d’y intercepter les Algonquins qui se rendent commercer à la baie James. De plus, ce poste est situé sur la route fluviale qui mène à Montréal, d’où il tire son approvisionnement en nourriture et en marchandises de traite. De 1720 à 1758, la traite des fourrures se porte bien au Témiscamingue et en Abitibi. Par contre, à la suite de la conquête de la Nouvelle-France par les Anglais, en 1760, une nouvelle ère s’ouvrira dans la traite des fourrures dans la région. 
 
Ainsi, la traite des fourrures débute officiellement dans la région, en 1679, avec l’ouverture d’un premier poste de traite sur le lac Témiscamingue. Malgré cela, la concurrence est vive avec les postes anglais, établis à la baie James. Les guerres iroquoiennes déstabilisent ensuite le commerce des fourrures, à la fin du XVIIe siècle. En 1720, le poste du lac Témiscamingue est rouvert par un marchand montréalais, qui relance alors le commerce des fourrures avec les Algonquins. Mais, la conquête de 1760 viendra changer ces données. 
 
 
Bibliographie :

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Chénier, Augustin. Notes historiques sur le Témiscamingue. Ville-Marie, Société d’Histoire du Témiscamingue, 1980. 133 p., 2e édition. 
Martineau, Donat, omi. Le Fort Témiskaming. Rouyn, Société SaintJean Baptiste de l’Ouest Québécois, 1970. 76 p., 2e édition. 
Mitchell, Elaine Allan. Fort Temiskaming and the Fur Trade. Toronto, University of Toronto Press, 1977. 306 p. 
Viau, Roland. Enfants du néant et mangeurs d'âmes. Guerre, culture et société en Iroquoisie ancienne. Montréal, Boréal, 1997. 318 p.
 
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