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William Wakeham
Thème : Société et institutions

William Wakeham

Mario Mimeault, Ph. D. Histoire. Gaspé, 15 juin 2002


Officiellement, John Cabot prend possession de Terre-Neuve au nom de l’Angleterre en 1497. Jacques Cartier en a fait autant pour la France en plantant une croix à Gaspé en 1534. Le premier donnait à son employeur un territoire qui serait un jour une province canadienne et le second apportait à François Ier ce qui constitue maintenant la partie continentale du pays. L’œuvre de ces deux explorateurs ne couvre donc pas l’ensemble du Canada tel qu’on le connaît aujourd’hui. Reste encore à assurer la propriété de l’Archipel arctique, dont l’étendue équivaut à cinquante pour cent du territoire canadien actuel. L’achèvement du travail de Jean Cabot et de Jacques Cartier est apporté seulement 363 ans plus tard, en 1897, par un résidant de Gaspé, le Dr et Commandant William Wakeham.
 
William Wakeham, médecin et Inspecteur des pêches 
 
Le Dr William Wakeham est originaire de Québec. Il commence ses études dans sa ville natale, mais le jeune homme s'inscrit en médecine à l'Université McGill, à Montréal. Diplômé de cette faculté en 1866, il s’en vient à Gaspé où il pratique son art pendant dix ans. Un court retour à Québec lui permet de prendre la relève de son père au Lunatic Asylum. Pour une raison demeurée sans réponse à ce jour, Wakeham revient définitivement en Gaspésie en 1879. Ce sera cette fois-ci pour de bon. 
 
Le poste d’Inspecteur des Pêches pour le gouvernement canadien dans le golfe Saint-Laurent et sur les côtes du Labrador vient d’être ouvert. Wakeham applique et obtient l'emploi. Il a, à ce titre, plusieurs responsabilités à assumer. Il doit d’abord commander le vapeur La Canadienne et patrouiller toutes les eaux de la côte est canadienne. Les visites qu’il fait aux établissements de pêche sont l'occasion de prodiguer des soins à la population. Commissaire de police dûment mandaté, il tranche les litiges entre les pêcheurs et les entrepreneurs. Il distribue les permis de pêche et assure l'ordre en employant au besoin la force avec l'appui d'une équipe d'hommes bien armés. Représentant du gouvernement, il a en plus pour tâche de voir au respect des conventions internationales reliées aux activités de pêche. 
 
Un pays en devenir
 
Wakeham avait rempli son mandat d'inspecteur des pêches pendant dix-huit ans quand s'achève une série de développements politiques qui auraient dû le projeter à l'avant-scène canadienne. Le Canada est alors un jeune pays en pleine évolution. Constitué de quatre provinces en 1867, il agrandit considérablement son territoire par la suite. Il achète les Territoires du Nord-Ouest de la Compagnie de la Baie d'Hudson en 1869, ajoute à ses frontières la province du Manitoba en 1870, négocie l'entrée de la Colombie Britannique dans la Confédération l'année suivante et accepte l'adhésion de l'Île-du-Prince-Edouard en 1873. L'organisation du pays se fait dès lors à grands pas, grâce surtout à la politique nationale du Parti conservateur de John A. Macdonald. Le gouvernement finalise la construction du Canadien Pacifique en 1885, peuple l'Ouest à la faveur d'une immigration européenne massive et structure l'administration des Territoires du Nord-Ouest en quatre districts en 1895.
 
En 1897, le pays est maintenant lié d'est en ouest du continent. Le gouvernement envisage dès lors la construction d'un tronçon ferroviaire qui joindrait la capitale du Manitoba, Winnipeg, au poste de Churchill, sur la côte ouest de la Baie d'Hudson. De là, il pourrait relier les Prairies à l'Atlantique en développant un lien maritime qui passerait par le détroit d'Hudson, mais il connaissait peu les temps de passage de cette voie navigable. Par ailleurs, le Canada doit faire face à un problème d'affirmation nationale sur ce territoire. Le Dominion s'était vu offrir en 1880 tout l'archipel arctique par le gouvernement britannique, mais les autorités canadiennes n’avaient rien fait par la suite qui puisse être interprété comme une appropriation officielle du territoire ou comme une occupation effective. C'était pourtant 500 000 milles carrés de territoire, déjà beaucoup plus que la superficie représentée par ses six provinces. Or, les Allemands, les Écossais, les Danois et les Américains fréquentent depuis longtemps les régions arctiques. Depuis assez longtemps, en tout cas, pour que les capitaines des navires baleiniers étrangers se pensent chez-eux. Dans ces circonstances, il devient difficile pour le pays de prétendre gérer les eaux du détroit d’Hudson et d'établir en toute quiétude un lien maritime entre les provinces de l'Ouest et l'Océan atlantique par le nord.
 
Le plénipotentiaire gouvernemental
 
C'est afin d'amener des solutions à ces deux problèmes que le gouvernement envoie William Wakeham dans le détroit de Hudson à l'été 1897. Le ministre de la Marine et des Pêches, l'Honorable Louis H. Davies, lui adresse une lettre officielle le 23 avril pour lui demander deux choses: déterminer les temps limites de passage dans le bras de mer afin de permettre aux compagnies marchandes de planifier correctement le mouvement de leurs navires et affirmer l'autorité canadienne sur le territoire de l'Archipel arctique au nom du roi d'Angleterre et du Canada.
 
Le commandant Wakeham monte rapidement son expédition. Il loue un baleinier terre-neuvien, le SS. Diana, propriété de la Job Brothers de Saint-Jean de Terre-Neuve, et il engage un équipage aguerri à la navigation en eau arctique, aussi originaire de la petite colonie britannique. Le port d'attache de l'opération est fixé à Halifax, en Nouvelle-Ecosse, où se fait l'achat de tous les équipements et des victuailles. Après plusieurs semaines de préparatifs, le SS. Diana quitte le port de Halifax par temps clair, en après-midi du 3 juin 1897, et il arrive au détroit de Hudson le 22 juin. 
 
Sur place, Wakeham étudie les champs de glace et les courants maritimes puis débarque les équipes de scientifiques qu'il amenait avec lui. Le bateau du gouvernement canadien parcourt dans les semaines suivantes le bras de mer de part en part à deux reprises. Après des incidents qui eussent pu menacer l’expédition, le SS. Diana est resté pris dans les glaces, celui-ci gagne la baie de Cumberland, puis le poste de Kekerton à l'est de la Terre de Baffin le 15 août suivant. Il y a là une station baleinière exploitée depuis trente-cinq ans par la Noble and Company de Aberdeen, en Écosse. Le poste est, à l'arrivée du représentant officiel du Canada, sous les ordres d'un certain Milne. Plus de cent cinquante Inuit travaillent au service de sa compagnie et trouvent là toute la nourriture, les armes et les vêtements dont ils ont besoin pour la durée de leur engagement. Kekerton est probablement alors l'établissement en opération le plus ancien et le mieux tenu de l'Archipel arctique. Et puis le gérant, monsieur Milne, pense que le territoire est américain. Voilà ce qui décide le commandant Wakeham à prendre officiellement possession du territoire à cet endroit.
 
La cérémonie a lieu en toute simplicité le 17 août 1897 en présence des officiers du SS. Diana, du gérant de l'établissement écossais et des Inuit. Elle donne lieu à une courte allocution que le commandant Wakeham prononce après avoir hissé l'Union Jack. Il reste de l'événement une photographie de la cérémonie qui témoigne du geste posé. Elle atteste du mérite qui doit être reconnu au commandant Wakeham pour avoir été le premier à conférer au pays une assise juridique sur les îles arctiques, un territoire aux richesses encore insoupçonnées, mais combien importantes aujourd'hui. À long terme, le pays ne peut que se féliciter du travail de William Wakeham, particulièrement quand les Américains envoient en 1985 le Polar Sea dans l'Archipel arctique sans demander la permission à Ottawa et déclarent que ces eaux sont internationales au même titre que le canal de Suez et le canal de Panama. C'est en ayant bien en perspective les prétentions des Américains que les résultats de l'expédition de 1897 doivent être considérés. L'appropriation du magistrat canadien procurait au pays des droits sur le sol nordique. 
 

Bibliographie : 

Bibliothèque et Archives nationales du Canada. RG 42, Archives du Ministère de la Marine, vol. 336, dossier no 13205 A., Lettre du Ministre de la Marine et des Pêches, Louis H. Davies, à William Wakeham, le 23 avril 1897.
Mimeault, Mario « Wakeham, William », Dictionnaire biographique du Canada, vol. XIV, p. 1134s. 
Mimeault, Mario. « A Dundee Ship in Canada’s Arctic: SS Diana and Wiliam’s Wakeham Expedition of 1897 », The Northern Mariner/Le Marin du Nord, VIII, July 1998, p. 51-61.
Wakeham, William. Report of the Expedition to Hudson Bay and Cumberland Gulf in the Steamship "Diana" under the Command of William Wakeham. Ottawa, Marine and Fisheries Canada, 1898, 83 p., ill.
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