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Jacques Cartier
Thème : Société et institutions

Jacques Cartier

Mario Mimeault, Ph. D. Histoire. Gaspé, 23 juin 2002


Jacques Cartier est originaire de Saint-Malo, en Bretagne. Né vers 1491, il est décédé de maladie dans sa ville natale en 1557. Ce Breton a marqué l’histoire canadienne parce qu’il a été mandaté en 1532 par le roi de France, François Ier, pour prendre possession des terres qu’il savait exister au nord d’un nouveau continent situé à l’ouest, de l’autre côté de l’Atlantique. Cartier remplit cette mission deux ans plus tard, à la faveur d’une traversée record de l’océan.
 
Un acte de baptême introuvable
 
L’identité de Jacques Cartier pose problème en ce qu’il n’a pas été possible de trouver son acte de baptême. Les généalogistes ont établi qu’il était le fils de Jamet Cartier et de Gesseline Jansart. Ce Jamet Cartier aurait été pilote sur le navire amiral du duc de Bretagne. Le couple aurait eu plusieurs enfants dont la paternité ne fait pas de doute, sauf pour Jacques. Le bébé ondoyé dans la cathédrale de Saint-Malo est simplement identifié comme étant « un enfant de Jamet Cartier », ce pourquoi, finalement, les chercheurs ne s’y sont pas fiés. Des recoupements établis à partir des principaux moments documentés de la vie de l’explorateur permettent seulement de croire qu’il est né entre le 7 juin et le 23 décembre 1491.
 
Un début de carrière obscur
 
L’enfance de Jacques Cartier demeure elle aussi obscure. Les chercheurs disposent de peu de documents. Quelques actes de baptême des années 1510 à 1520, dans lesquels le jeune homme agit à titre de parrain, attestent de sa présence à Saint-Malo. Mais où a-t-il appris son métier de marin? Auprès de son père, bien sûr, mais comment? Les connaissances de Jacques Cartier, lorsqu’il navigue dans les eaux du détroit de Belle-Isle en 1534, comme en témoigne son récit de voyage, montrent qu’il a fait ses classes dans ces parages. Il aurait donc navigué dans son jeune âge comme mousse, puis marin et enfin capitaine, pensent les historiens. C’est, en fait, le cheminement normal d’un jeune Malouin qui veut gagner sa vie en navigant.
 
Une jeune carrière bien remplie
 
L’historien canadien Gustave Lanctôt rapporte, dans une biographie de Cartier, que ce dernier aurait, en 1518, acquis La Coutume de Bretagne. La chose est logique; il avait alors vingt-sept ans et détenait les connaissances nécessaires pour naviguer à son compte. Dans son acte de mariage, célébré une année plus tard, quand il épouse Catherine des Granches, la fille d’un riche notable de Saint-Malo, il est spécifié que Cartier est « maistre pilote ès port de Sainct-Malo ». Il ne peut avoir accédé à ce poste sans s’être vu reconnaître ses qualités professionnelles. Il faut savoir aussi que le port de Saint-Malo est le plus important point des départs transatlantiques de France à l’époque et que le maître du port est celui qui contrôle toutes les entrées et sorties des navires, une responsabilité qui ne peut incomber à n’importe qui.
 
Outre des voyages sur les côtes du Labrador, qu’aurait fait Jacques Cartier après l’acquisition de son navire? Aucune archive ne permet encore de dire assurément comment il a occupé ce temps, mais le récit de son voyage de 1534 révèle des détails intéressants sur sa carrière. Selon ce texte, Cartier connaît manifestement le Brésil et ses habitants. Des informations en ce sens apparaissent en deux endroits. Par exemple, lorsqu’il parle des habitudes de vie des Amérindiens rencontrés dans la baie de Gaspé en juillet 1534, il observe que ces derniers mangent du « groz mil, comme poix ainsi (qu’il en pousse) au Bresil ». Ailleurs, dans le récit de son deuxième voyage, le capitaine breton constate que les Indiens sont organisés à la manière des gens du Brésil. Ils ressemblent au peuple « qui vit quasi en communauté de bien assez de la sorte des Bresillians ». Alors, quand Cartier serait-il allé au Brésil? Il y a ce détail que des historiens ont relevé : entre 1524 et 1528, aucun document permet de trouver sa trace à Saint-Malo. Il est difficile de ne pas constater que son voyage au Brésil pourrait très bien cadrer avec cette période de sa vie.
 
L’envoyé du roi
 
François Ier a définitivement fait entrer la Bretagne dans le giron français en 1532. Sans nouvelle de Verrazano, reparti depuis longtemps en Amérique, il recherche cette année-là un explorateur pour poursuivre le travail entrepris. L’abbé du mont Saint-Michel, auprès de qui le roi s’enquiert d’un tel homme, lui recommande le sieur « Jacques Cartier, Pilote marinier de Saint-Malo..., comme capable, en considération de ses voyages au Brésil et en Terre-Neuve, de conduire des navires à la découverte des terres nouvelles dans le monde nouveau. » Une rencontre a lieu à l’abbaye et le capitaine malouin en sort avec le mandat de découvrir « ce royaume es Terres Neufves » et « ces ysles et pays où l’on dit qu’il se doibt trouver grand quantité d’or et d’autres choses. » Et Cartier sait même où cet endroit se trouve, « passez le destroict de la baye des Chasteaulx », ce qui s’appelle de nos jours le détroit de Belle-Isle. Le marin y a sûrement fait ses classes dans sa jeunesse.
 
Le voyage de 1534
 
Deux ans sont nécessaires pour monter l’expédition qui mènera Cartier en Amérique. Quand, il est appareillé, le mois d’avril 1534 est déjà pas mal avancé. L’expédition bretonne compte seulement deux navires dont les noms sont demeurés dans l’oubli. La petite escadre, qui amène soixante et un hommes, prend le large le 20 au matin après avoir écouté la messe dans la cathédrale de Saint-Malo. 
 
La traversée ne dure que vingt jours. Les terres nouvelles apparaissent aux équipages dès le 10 mai, mais la présence de glaces retarde leur entrée dans le détroit de Belle-Isle. Dix-sept jours plus tard, les deux navires longent les côtes du Labrador sous la conduite expérimentée du capitaine malouin. Il connaît la côte, sait esquiver les fonds rocheux, identifie les havres en passant et en livre les noms : Blanc Sablon, Butus, les Islettes. Ces détails ont convaincu les historiens que Cartier connaît ces parages. Le petit havre de Brest, un simple lieu de pêche sur la côte, semble son objectif. Il s’y rend directement le 10 juin et jette l’ancre pour quelques heures, le temps de faire des provisions d’eau, de renouveler ses réserves de bois et de laisser un répit à ses hommes. 
 
Il reprend son voyage le lendemain et navigue en direction du golfe Saint-Laurent. Maintenant, il est manifeste qu’il ignore tout du paysage et des embûches de la navigation. Il donne des noms puis s’arrête, le 12 juin, dans un havre qu’il baptise Saint-Servan, du nom d’un petit port en face de Saint-Malo. Jacques Cartier raconte, sans artifice, avoir simplement planté une croix à cet endroit, en vérité à la limite de l’aire géographique qu’il connaissait. En d’autres mots, il remplit là officiellement sa mission, celle de prendre possession du territoire, sans cérémonie, comme s’il s’agissait d’une routine. Toutefois, maintenant que celle-ci est complétée, si vite d’ailleurs, quoi faire? Il a le choix : ou continuer et explorer de nouvelles terres, ou retourner en France, mais la saison de navigation est toute jeune. Il continue.
 
L’escadre française longe ensuite la côte ouest de Terre-Neuve, vers laquelle son capitaine la conduit et il poursuit sa route dans des conditions variables. La température est tantôt mauvaise, tantôt clémente. Ses deux navires arrivent aux îles de la Madeleine, tournent leurs nefs vers la côte néo-brunswickoise, puis remontent vers la Gaspésie. Arrivé à l’entrée de la Baie des Chaleurs le 4 juillet, et croyant voir là un passage possible vers les Indes, Cartier s’arrête pendant une semaine à la conche Saint-Martin, aujourd’hui Port-Daniel. L’exploration n’ayant mené à rien, il poursuit sa route, mais il fait tempête. Le mauvais temps l’oblige à chercher refuge au cap Pratto, l’anse de Percé, puis dans une baie qu’il trouve sur son chemin, celle de Gaspé : nous « posâmes à l’entrée jusqu’au 16e, qui est jeudi, espérant avoir bon temps de sortie», rapporte-t-il.
 
Ce beau temps se faisant désiré, et un des ses navires ayant perdu une ancre, Cartier amène ses deux bateaux à l’intérieur de la baie et y reste jusqu’au 25 juillet. C’est le 24 juillet au matin, alors que l’envoyé de François Ier est en plein cœur d’une zone qui lui est inconnue par rapport à celle du détroit de Belle-Isle, qu’il prend possession officiellement de cette partie du nouveau monde. Cette fois-ci, il a du temps devant lui et il met plus d’emphase dans le geste, ce pourquoi, probablement, les historiens ont retenu cette date plutôt que la première pour rappeler l’accomplissement de sa mission. Le lendemain matin, le 25 juillet, il fait beau… et Jacques Cartier reprend la mer.
 
 
Bibliographie :

Desjardins, Marc, Yves Frenette, Jules Bélanger et Bernard Hétu. Histoire de la Gaspésie. Québec, I.Q.R.C., 1999. 797 p., cartes, ill.
Mimeault, Mario. Relation originale du voyage de Jacques Cartier en 1534. Gaspé, Société historique de la Gaspésie, 1984. 111 p., cartes, ill. (Cahiers culturels, 2).
Mimeault, Martin. « Critique d'un document : le premier voyage de Jacques Cartier ... ou Jacques Cartier entre les lignes », Revue d’histoire du Bas-Saint-Laurent, volume XX, no 1, janvier 1997, p. 28 à 31.
Mimeaut, Mario. « Où Jacques Cartier a-t-il planté sa croix? » Revue d'histoire du Bas-Saint-Laurent/L'Estuaire, vol. XX, no 1, janvier 1997, p. 32-34.
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