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L’élevage du renard
Thème : Économie

L’élevage du renard dans Charlevoix

Christian Harvey. Historien. Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 4 octobre 2002


Le commerce des fourrures joue un rôle majeur dans l’émergence au XVIIe d’une colonie française sur les rives du fleuve Saint-Laurent. La peau de castor est alors fort recherchée pour la confection des chapeaux hautes formes. Cette industrie s’essouffle néanmoins au début du 19e siècle. La vente des fourrures ne disparaît jamais complètement suivant l’engouement périodique pour le duvet d’un animal notamment pour la mode vestimentaire. Les peaux de renard deviennent au début du XXe siècle fort recherchées et, dans Charlevoix, se développe une importante industrie pour l’élevage des animaux à fourrure. 
 
L’élevage de renards de Charlevoix devient après la Première Guerre mondiale (1914-1918) une activité florissante. La région est l’une des premières à développer ce secteur au Québec. Le contexte est alors favorable selon l’éleveur Achille Tremblay : « La fourrure, c’était à l’époque comme de l’or. Les gros marchands de Québec donnaient jusqu’à 100$ la peau. » Il devient alors intéressant d’en effectuer l’élevage. La vente d’un couple peut se chiffrer, à elle seule, alors à plus de 1 000 $. Dans ce contexte où des profits élevés peuvent être réalisés rapidement, la majorité des fermes de la région pratique cette activité. Dans les années 1920, une dizaine de compagnies sont formées afin de poursuivre cette activité d’un manière plus systématique. Baie-Saint-Paul demeure le principal centre de cette industrie. En 1927, la vente des fourrures génère plus de 350 000 $ pour tout le comté soit plus que la valeur totale du lait produit en 1930 (331 858 $). De l’argent rapidement gagnée pour les cultivateurs de Charlevoix, pour combien de temps encore?
 
L’élevage du renard est une activité fort capricieuse. L’année débute de la mi-janvier à la mi-février, au moment du rut. La femelle est alors propice pendant une très courte période de 24 à 36 heures. Une tour est souvent aménagée par les éleveurs au centre de l’enclos. Il collige alors les informations afin de rendre la copulation efficace dans ce cours laps de temps. La mise à bas s’effectue 52 jours après l’accouplement et donne en moyenne de 3 à 7 renardeaux. Des croisements sont apportés entre divers spécimens afin de donner de nouvelles couleurs particulières au pelage. Les renards sont souvent alimentés avec de la viande de cheval puis une bouillie lorsque la conservation de la viande devient plus difficile. À la fin de novembre, c’est la période de l’abattage puis de l’écorchage des renards. Les peaux sont par la suite étirées et séchées. Quelques jours avant Noël, des éleveurs, comme Achille Tremblay, se rendent vendre leurs peaux sur la rue Saint-Joseph à Québec et reviennent les poches pleines de billets de 100$. Toutefois, dans les années 1930, l’accroissement du nombre de producteurs et la crise économique font chuter la valeur des peaux de 125 $ à son apogée à moins de 25 $. Un grand nombre de petits éleveurs disparaissent alors. 
 
Les principaux producteurs ne cessent toutefois pas leurs activités et tentent de pallier aux fluctuations du marché. En 1931, des éleveurs de la région participent activement à la fondation de la coopérative provinciale des éleveurs des animaux à fourrures et, en 1948, fondent la Société coopérative agricole et d’animaux à fourrure de Charlevoix dont le centre est situé à Baie-Saint-Paul. En 1941, on ne retrouve plus que 200 éleveurs possédant au total 2 500 couples, dont une vingtaine d’établissements possèdent 75 % des couples. Certains maintiennent leur production jusque dans les années 1960 sans voir toutefois une relance du marché. La montée des prix des animaux amène d’une manière épisodique d’autres producteurs à se lancer par la suite dans l’élevage rarement avec succès. 
 
 
Bibliographie :

Denis Gauthier. “La Tour”, Le Charlevoix Magazine, janvier 1995, p. 11-13.
Normand Perron et Serge Gauthier. Histoire de Charlevoix. Québec, Presses de l’Université Laval, 2000. 387 p. 
 
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