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Sainte-Émérentienne de Grand-Fonds
Thème : Société et institutions

Sainte-Émérentienne de Grand-Fonds. Une desserte religieuse (1891-2002)

Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 25 juillet 2002


Au nord-est de la rivière Malbaie, en plein territoire montagneux, le secteur de Grand-Fonds est bien connu des amateurs de ski. En effet, se retrouve sur ce site plutôt isolé, un centre de ski de grande renommée et ce depuis 1974. Autrefois, au 19e siècle, il a été question de faire de Grand-Fonds une paroisse religieuse. Une chapelle a été construite sur place. Le lieu est même désigné sur le plan canonique par le vocable de Sainte-Émérentienne de Grand-Fonds. Toutefois, le peu de développement économique du secteur a empêché cette localité montagneuse d’obtenir tout autre statut que celui de desserte religieuse.
 
Partie prenante de la seigneurie de Mount Murray concédée à Malcolm Fraser en avril 1762, le lieu-dit de Grand-Fonds intéresse d’abord les compagnies forestières à cause de ses grandes étendues boisées. Les premiers habitants de Grand-Fonds sont donc au départ d’énergiques bûcherons qui doivent s’attaquer à une forêt difficile à défricher. Dès la seconde partie du 19e siècle, la plupart d’entre eux ont pu établir un lot de colonisation dans le secteur mais la rigueur du climat ne permet pas de d’obtenir des récoltes importantes. Néanmoins, les habitants de Grand-Fonds sont très attachés à leur coin de pays et le territoire se peuple bientôt d’environ 200 habitants.
 
Grand-Fonds est d’abord rattaché sur le plan religieux à la paroisse de Saint-Fidèle qui a été érigée en 1855. Mais, en 1877 et en 1878, les habitants de Grands-Fonds demandent plutôt à être désormais desservi par le curé de la paroisse de Saint Étienne de La Malbaie. L’annexion de Grand-Fonds à La Malbaie s’effectue le 28 mai 1878. En 1891, le nouveau curé de La Malbaie, l’abbé Bruno-Élisée Leclerc considère même la possibilité d’établir une paroisse à Grand-Fonds lorsqu’il écrit à son Évêque Mgr Louis-Nazaire Bégin:
 
« J’ai trouvé à trois lieues de l’église une concession appelée Grand-Fonds...il y a 30 familles et une population de 200 quelques âmes. Je leur ai promis une chapelle...il faut venir au secours de ces braves gens. »
 
Le curé Leclerc met rapidement en marche le processus visant à créer une paroisse à Grand-Fonds: le 24 février 1892, il procède à la nomination d’un syndic chargé de prendre en charge la « mission de Sainte-Émérentienne de Grand-Fonds ». Le 14 juin 1893, en présence de l’Évêque de Chicoutimi, Mgr Michel-Thomas Labrecque, la chapelle de Grand-Fonds est ouverte au culte. La desserte de Grand-Fonds est alors bel et bien formée.
 
Les gens de Grands-Fonds cherchent par la suite à obtenir un curé résident sur place. Leurs efforts ne donnent aucun résultat puisque l’Évêque de Chicoutimi décide bientôt que cette desserte ne peut assurer des revenus suffisants afin de permettre à un curé de tirer sa subsistance dans ce milieu. La population de Grand-Fonds ne désarme pourtant pas et, en 1909, elle entreprend la construction d’un presbytère de deux étages du côté sud-ouest de la chapelle, pensant ainsi persuader définitivement l’Évêque de leur accorder une paroisse. Mais, le presbytère n’est jamais habité, ni même terminé. Il est démoli en 1935 : Sainte-Émérentienne de Grand-Fonds demeure une simple desserte religieuse où la messe est célébrée une fois la semaine environ par le curé de La Malbaie. 
 
Même si le secteur ne devient jamais une paroisse religieuse, Grand-Fonds reste un lieu d’où ont émergé des vocations religieuses. Parmi celles-ci, le père Vincent Harvey, dominicain, a marqué l’histoire du Québec. Directeur de la revue Maintenant de 1965 à sa mort survenue en 1972, le Père Vincent Harvey (né Gérard Harvey à Grand-Fonds en 1923) est un religieux fort érudit qui prend une importance intellectuelle majeure dans le Québec de la Révolution Tranquille. Il a ainsi influencé des penseurs et des personnalités politiques comme le sociologue Fernand Dumont, l’écrivaine Hélène Pelletier-Baillargeon, des anciens ministres québécois comme Jacques-Yvan Morin ou Louis O’Neil. Le Père Vincent Harvey reste toute sa vie proche des gens de Grand-Fonds. Il revient chaque année pêcher et chasser dans le secteur. Le 25 décembre 1953, le Père Vincent Harvey préside la première messe de minuit célébrée dans la chapelle de Grand-Fonds. Depuis cette date, il y a à chaque année une messe de minuit dans la chapelle de Grands-Fonds et les habitants du lieu gardent toujours précieusement le souvenir du Père Vincent Harvey.
 
Site récréatif et touristique, Grand-Fonds n’est pas un lieu officiel sur la carte. Mais, pour ceux qui l’habitent et aussi pour les visiteurs qui le fréquentent, c’est un milieu naturel attirant et un site chargé de l’histoire d’une population enracinée depuis plus de cent-cinquante ans sur place, fière de son héritage local dont la chapelle désormais centenaire reste le signe le plus tangible.


Bibliographie :

Chamberland, Jean-Marie. « Sainte-Émérentienne du Grand-Fonds : les cent ans d’une mission », Charlevoix, 15, novembre 1992, p. 21-31. 
 
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