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Le siècle du cinéma
Thème : Culture

Le siècle du cinéma

Jean-Charles Fortin, INRS-Urbanisation, Culture et Société. 23 septembre 2003


Depuis les années 1880 jusqu’aux années 1960, le Québec vit sa plus importante révolution culturelle par l’introduction successive des médias de masse : la presse quotidienne à grand tirage, le cinéma muet puis parlant, enfin la radio et la télévision. L’apparition du cinéma accompagne l’avènement du XXe siècle. Rapidement le Québec se passionne pour ce qui allait devenir le septième art. Des salles sont construites sur mesure pour le nouveau divertissement à la mode dans les principales villes et des projectionnistes ambulants parcourent petites villes et gros villages. Un siècle plus tard, la production cinématographique fait partie de la vie de tous les jours des Bas-Laurentiens.
 
De juillet 1897, date de la première représentation de « cinématographe » à Rivière-du-Loup, jusqu’à 1908, la région ne reçoit que des projectionnistes ambulants. En 1908, les frères Levasseur ouvrent le Matanoscope à Matane. En 1910, d’autres entrepreneurs les imitent à Rivière-du-Loup et à Rimouski. Le cinéma connaît un nouvel essor dans la région au cours des années 1920, mais malgré l’arrivée du cinéma parlant en 1930, les salles consacrées exclusivement au septième art demeurent peu nombreuses. En 1936, on ne compte que quatre salles commerciales à l’est de Lévis, situées à Rivière-du-Loup, Rimouski, Mont-Joli et Matane. Les années de crise ne sont guère favorables aux aventures commerciales, mais la guerre et l’après-guerre relancent le cinéma. En 1950, la région compte 17 cinémas commerciaux et une quinzaine de salles parallèles.
 
Après la Première Guerre mondiale, la mainmise américaine sur la production et la distribution des films ne souffre aucune concurrence. Au Québec, et partout dans la région, le cinéma muet américain règne sans partage, mais l’avènement du parlant force les propriétaires de salle à s’adapter à leurs clients francophones. On présente surtout des films américains traduits ou sous-titrés en français, puis des films français ainsi que les premières productions du cinéma québécois naissant, après 1940. L’arrivée du film parlant français est l’occasion d’un choc salutaire et, pour plusieurs, il marque le début d’une « refrancisation » des Canadiens français dont la langue est alors émaillée de mots empruntés à l’anglais. La popularité du cinéma de langue française, combinée à l’omniprésente radio francophone, ouvre un vaste champ culturel aux Québécois isolés sur un continent anglophone.
 
L’année 1952 marque le sommet historique de la fréquentation des salles de cinéma au Québec. Dans la région aussi, la télévision se révèle un concurrent dévastateur, mais les salles de cinéma commercial continuent à être fréquentées malgré une qualité décroissante des films projetés. À compter de 1975, le public commence à déserter les salles commerciales, au Bas-Saint-Laurent comme partout ailleurs au Québec. Les cinémas ferment les uns après les autres. Le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, qui comptaient 24 salles en 1975, n’en ont plus que 5 en 1988, localisés dans autant de villes du Bas-Saint-Laurent : Matane, Mont-Joli, Trois-Pistoles, Rivière-du-Loup et Rimouski. La fin du XXe siècle voit une certaine renaissance des salles commerciales et une hausse certaine de la fréquentation qui n’atteindra sans doute jamais les sommets des années 1950.
 
Ce déclin des salles commerciales est lié au développement de la câblodistribution et à la multiplication des canaux présentant des films à la télévision. À compter du milieu des années 1980, l’avènement de la vidéocassette porte un nouveau coup, presque mortel, aux salles de cinéma. Dans les années 1990, le magnétoscope entre dans la plupart des foyers bas-laurentiens et les clubs vidéo font désormais partie du paysage commercial de toutes les agglomérations, même les moins populeuses. Les changements technologiques amenés par la vidéo permettent toutefois à un plus grand nombre de créateurs l’accès au septième art. Quelques petites entreprises de production peuvent réaliser des émissions, en majeure partie des documentaires, pour la diffusion sur les grands réseaux nationaux et sur les chaînes spécialisées de télévision. Parmi elles, Les Productions Vic Pelletier, de Matane, une entreprise de renommée internationale, occupe une place à part, car elle vise autant le marché québécois et canadien que la francophonie de tous les continents.
 
Cette ouverture sur le monde s’est d’ailleurs concrétisée en 1983 par le lancement du Carrousel international du film à Rimouski. D’abord orientée vers les enfants, la manifestation est aujourd’hui destinée à tous les jeunes publics. Depuis la fin des années 1990, le Carrousel peut bénéficier des cinq salles du nouveau cinéma Lido, construit dans la foulée de la renaissance du cinéma commercial en Amérique du Nord. Grâce à cette initiative et à d’autres plus modestes, il est permis d’espérer qu’un plus grand nombre de Bas-Laurentiens vont rejoindre la cohorte des créateurs alors que, pendant le XXe siècle, ils se sont surtout avérés d’insatiables consommateurs.
 
 
Bibliographie :

Fortin, Jean-Charles, Antonio Lechasseur et al. Histoire du Bas-Saint-Laurent. Québec, IQRC, 1993. 864 p.
 
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