Longeur 3
Encyclobec

Chania

Les Montagnais, ou Porcs-Épics
Thème : Société et institutions

Les Montagnais, ou Porcs-Épics, de la rive sud

Jean-Charles Fortin, INRS-Urbanisation, Culture et Société. 25 septembre 2003


Les Montagnais constituent l’un des principaux groupes amérindiens présents au Bas-Saint-Laurent au XVIIe siècle. Ce sont les premiers Français arrivés en Nouvelle-France qui les nomment ainsi pour indiquer qu’ils vivent dans les montagnes de part et d’autre du Saint-Laurent. Leur territoire est vaste. Sur la rive nord, il s’étend de la rivière aux Outardes jusqu’à Québec et englobe le Saguenay et le Lac-Saint-Jean. Sur la rive sud, ils occupent au XVIIe siècle un grand territoire délimité par les rivières du Loup et Matane, ce qui correspond presque au Bas-Saint-Laurent actuel. Les toponymes Tadoussac et Cacouna, deux endroits stratégiques en face l’un de l’autre, à la même hauteur sur le Saint-Laurent, perpétuent le souvenir des Montagnais, ou Porcs-Épics.
 
À la fin du XVIe siècle, les Français considèrent les Montagnais comme leurs seuls partenaires dans la traite des fourrures et leurs uniques intermédiaires dans les échanges avec les autres nations amérindiennes de l’intérieur. Le Bas-Saint-Laurent fait partie de cette véritable chasse gardée montagnaise, une nation alors forte d’environ quatre mille individus. À la fin du XVIIIe siècle, à l’époque où les défricheurs de la Côte-du-Sud débordent sur les terrasses littorales de la région, cette présence montagnaise sur la rive sud de l’estuaire est déjà chose du passé. C’est grâce aux Relations des Jésuites que cette inclusion du Bas-Saint-Laurent dans la mouvance montagnaise est connue, quand des missionnaires laissent des descriptions de la vie qu’ils ont menée en compagnie des Amérindiens dont ils s’étaient chargés de la vie spirituelle.
 
Entre 1633 et 1662, les pères jésuites Paul Le Jeune, Gabriel Druillettes et Pierre Bailloquet fréquentent la région en compagnie de Montagnais. Le témoignage de l’hivernement du père Le Jeune dans les forêts de la rive sud, en 1633-1634, à peine un quart de siècle après l’établissement de Québec, constitue un document ethnologique irremplaçable. Les informations contenues dans ce récit sont considérées comme une description fidèle du mode de subsistance, des coutumes et des croyances répandues chez les Montagnais avant la pénétration de l’influence européenne.
 
En 1645, c’est au tour du père Druillettes d’accompagner une bande montagnaise dans les environs du lac Témiscouata. Deux années plus tard, il revient hiverner avec un groupe de Montagnais dans les forêts derrière Matane, une expérience éprouvante. On retrouve dans les Relations des Jésuites le récit d’un autre hivernage dans la région, en 1661-1662, quand des Montagnais de Tadoussac demandent au père Pierre Bailloquet de les accompagner dans les monts Notre-Dame. Pour les Amérindiens, les hauteurs de la rive sud constitueraient le meilleur refuge contre les attaques iroquoises. Par ailleurs, le père Bailloquet fait rapport du succès de sa prédication auprès des Montagnais qu’il juge plus vertueux que les gens de la ville, donc les colons français.
 
C’est toutefois l’expédition du père Henri Nouvel et d’un groupe de Montagnais qui a le plus retenu l’attention des historiens de la région. Parti de Québec, le missionnaire rejoint l’île Verte où 68 Amérindiens de diverses nations se sont rassemblés dans la crainte des Iroquois. De là, tout le groupe descend l’estuaire et atteint l’île Saint-Barnabé, le 7 décembre 1663. Le temps favorable leur permet de gagner l’intérieur des terres et ils passent Noël près d’un grand lac qui pourrait être le lac Témiscouata. La saison de chasse hivernale semble assez fructueuse et, au printemps, l’escouade rejoint la côte et traverse sur l’île aux Basques; ils y camperont jusqu’à Pâques. Les Montagnais auront passé tout l’hiver dans la crainte de rencontrer des Iroquois, mais le père Nouvel ne mentionne aucun contact malveillant.
 
Le père Charles Albanel rend le dernier témoignage missionnaire au sujet des Montagnais du Bas-Saint-Laurent, en 1669-1670. Le jésuite ne rencontre que peine et désolations sur son chemin, car une terrible épidémie de petite vérole s’abat alors sur le pays montagnais. Décimés par la maladie et acculturés au contact des colons venus d’Europe, les Montagnais disparaissent peu à peu du Bas-Saint-Laurent. S’il n’était des témoignages crédibles des missionnaires jésuites, cet épisode de la présence montagnaise sur la rive sud de l’estuaire n’aurait guère laissé de trace.
 
 
Bibliographie : 
 
Simard, Jean-Paul. « Les Amérindiens au Saguenay, avant la colonisation blanche » dans Pouyez, Christian et Yolande Lavoie.  Les Saguenayens : introduction à l’histoire des populations du Saguenay, XVIe-XXe siècles. Sillery, PUQ, 1983.
Fortin, Jean-Charles, Antonio Lechasseur et al. Histoire du Bas-Saint-Laurent. Québec, IQRC, 1993. 864 p.
 
Chania