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Une région couverte de forêts
Thème : Territoire et ressources

Une région couverte de forêts

Jean-Charles Fortin, INRS-Urbanisation, Culture et Société. 23 septembre 2003

 
Si la qualité des sols du Bas-Saint-Laurent n’en fait pas une des meilleures régions agricoles du Québec, il n’en va pas de même pour son couvert végétal. La forêt régionale revêt une grande valeur au plan économique. Comme elle recouvre à l’origine toute la région, c’est son exploitation qui va permettre l’occupation des régions du plateau appalachien plutôt dépourvues de bonnes terres agricoles. Encore aujourd’hui, en dehors des espaces habités, cette végétation couvre la quasi-totalité du territoire du Bas-Saint-Laurent. Sa surexploitation à des fins commerciales a été la source du plus important débat de société au cours du XXe siècle. En 2003, exploitants forestiers et protecteurs de la nature s’affrontent encore.
 
La forêt bas-laurentienne est apparue il y a environ 8 000 ans. L’analyse des pollens permet de retracer une phase initiale de toundra amorcée à peine 500 ans après la déglaciation. Les premiers arbres n’apparaîtraient que plus de 2 000 ans après le recul du glacier. Il y a 8 000 ans, la région est déjà recouverte de peuplements dispersés, constitués surtout d’épinette noire, de peuplier, de mélèze et de bouleau blanc. L’aulne crispé a sans doute joué un rôle important durant cette période caractérisée par les nombreux feux. La végétation moderne s’est ensuite établie, une mosaïque de sapinières et d’érablières. Vers 3 600 avant aujourd’hui, les cédrières tourbeuses et les sapinières humides à thuya ont commencé à se former dans les basses terres à la marge du plateau appalachien.
 
Aujourd’hui, la végétation régionale est de type boréal à dominante coniférienne. Parmi les zones forestières, le domaine de la sapinière à bouleau blanc est le plus vaste. Il occupe, dans la région, la partie la plus haute du plateau appalachien. Il est surtout composé de sapin baumier, de bouleau blanc, d’épinette blanche et de sorbier. Le domaine de la sapinière à bouleau blanc n’est guère favorable à la colonisation agricole et les rares terres mises en culture y ont maintenant été abandonnées. Les superficies défrichées au cours du XXe siècle semblent désormais destinées au reboisement.
 
La sapinière à bouleau jaune vient au second rang en terme de superficie, car elle représente près de 35 % du couvert forestier bas-laurentien. Entre Rivière-du-Loup et Rimouski, elle occupe le centre du territoire; à partir de là, cette bande d’environ 30 kilomètres de large rejoint le fleuve. Elle est surtout constituée de sapin baumier, de bouleau jaune, d’épinette route, d’épinette blanche et de cèdre (thuya). Diverses espèces secondaires la complètent : peuplier faux-tremble, bouleau blanc, peuplier baumier, érable à épis. Cette forêt commerciale, qui occupe une large part du bassin des rivières qui se jettent dans l’estuaire, a été fortement exploitée aux XIXet XXe siècles. C’est dans le domaine de la sapinière à bouleau jaune que colons et concessionnaires forestiers se sont affrontés. Il faut admettre que ces terres conviennent moins à l’exploitation agricole que celles de l’érablière à bouleau jaune.
 
Le domaine de l’érablière à bouleau jaune, la troisième aire en superficie dans la région, correspond à une zone climatique plus chaude et moins humide que la précédente. Son territoire est concentré à l’ouest du Bas-Saint-Laurent et ne dépasse guère Rimouski à l’est. Il s’agit d’une bande parallèle au fleuve qui ne s’enfonce que d’une quinzaine de kilomètres à l’intérieur des terres; au sud du territoire, le long de la frontière du Nouveau-Brunswick et du Maine, un autre domaine de l’érablière à bouleau jaune s’ajoute, pour un total de 15 % à 20 % du couvert forestier régional. Outre l’érable à sucre et le bouleau jaune qui prédominent, on rencontre l’épinette blanche, le cèdre, l’épinette rouge, l’épinette noire, l’orme d’Amérique et le frêne noir. Il s’agirait du seul domaine agro-forestier viable, aux yeux des experts; c’est là d’ailleurs que l’exploitation agricole prédomine, de Notre-Dame-du-Portage à Sainte-Luce.
 
Le couvert forestier régional a subi les assauts résultants de l’activité humaine au cours des derniers siècles. D’ailleurs, le dernier domaine végétal, celui de la sapinière à épinette blanche, est presque disparu du paysage. Il n’occupe à l’origine qu’un mince filet le long de l’estuaire, influencé par les températures tempérées froides marquées par la mer. Constitué surtout de sapin baumier, il ne couvre à peine que 2 % ou 3 % du territoire régional. Les visiteurs du parc du Bic peuvent encore retrouver des peuplements de cette forêt originelle au cours de leurs randonnées pédestres.
 
La forêt bas-laurentienne subit toujours les contrecoups des interventions humaines. Aux défrichements et aux coupes de bois répétées s’ajoutent maintenant diverses formes de pollution, comme les pluies acides. Le pin rouge et le pin blanc sont presque disparus à la suite des coupes systématiques du XIXe siècle et les efforts de reboisement des dernières décennies du XXe siècle ont surtout favorisé la plantation d’espèces commerciales au détriment de la diversité du couvert végétal d’origine. La forêt bas-laurentienne, même appauvrie, représente encore, et de loin, la principale ressource naturelle de l’économie régionale.
 
 
Bibliographie :

Fortin, Jean-Charles, Antonio Lechasseur et al. Histoire du Bas-Saint-Laurent. Québec, IQRC, 1993. 864 p.
Grandtner, Miroslaw. « Aperçu de la végétation du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine », Cahiers de géographie de Québec, vol. 16, n° 37 (avril 1972), p. 116-121.
 
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