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Camille Roy
Thème : Culture

Camille Roy

Jacques Saint-Pierre, 13 mai 2003


Professeur de littérature 

Issu d’une famille, dont plusieurs membres sont devenus prêtres, Camille Roy naît à Berthier-en-Bas le 22 octobre 1870. Au sortir du Petit Séminaire de Québec, il s’inscrit à l’Université Laval où il obtient un doctorat en philosophie. Après son ordination, en 1894, le jeune prêtre amorce une longue carrière dans l’enseignement, d’abord comme professeur de rhétorique et de philosophie, puis comme titulaire de la chaire de littérature française à l’Université Laval. De 1898 à 1901, le jeune professeur se rend en France afin de parfaire sa formation à l’Institut catholique de Paris et à la Sorbonne, où il obtient sa licence ès lettres. « Il devient ainsi, écrit Lucie Robert, le premier professeur de littérature au Québec à détenir une solide formation et une bonne connaissance des auteurs classiques grecs, latins ou français, en même temps que de la littérature moderne. »
 
En plus de sa charge professorale, Camille Roy assume des responsabilités très importantes au cours de sa carrière : il est préfet des études au Petit Séminaire de 1918 à 1923, puis recteur de l’Université Laval de 1924 à 1927 et à nouveau de 1932 à 1938. C’est sous son rectorat qu’est fondée la Faculté des lettres et il en deviendra le premier doyen. Il est également à l’origine de la fondation des Facultés de philosophie et des sciences et de l’École des sciences sociales. En outre, il est nommé protonotaire apostolique, Chevalier de la Légion d'honneur de France et il obtient la Médaille d'or de l'Académie française. Il est aussi honoré par l'Université d'Ottawa et l'Université de Toronto, qui lui décernent chacun un doctorat honoris causa. 
 
L’œuvre écrite de Camille Roy comprend surtout des essais de critique littéraire publiés dans différentes revues, notamment Le Canada français et L’enseignement secondaire au Canada, dont il est le fondateur. Il est aussi un collaborateur régulier du Bulletin du parler français au Canada. Les nombreux articles de l’abbé Roy seront réunis en une dizaine de volumes. L’un de ses livres, À l’ombre des érables, lui vaudra, en 1924, un prix David, récompense instituée deux ans plus tôt par le Secrétaire de la province de Québec Athanase David pour encourager la production d'œuvres littéraires ou scientifiques. L’œuvre majeure de Camille Roy demeure toutefois son Manuel d’histoire de la littérature canadienne-française, qui est le livre de base durant plusieurs décennies pour l’enseignement de la littérature dans les écoles. 
 
La littérature du terroir 
 
Camille Roy entreprend son travail de critique littéraire « dans le but de créer [une] littérature nationale et de faire en sorte que le public la lise, de préférence à la littérature française et aux littératures étrangères. » Il veut nationaliser la littérature en incitant les écrivains de son temps à traiter de sujets canadiens, d’une façon canadienne. Il se fait le promoteur de cette littérature du terroir jusqu’en 1931, alors qu’il opte plutôt pour l’humanisme et l’esthétique.
 
C’est dans une conférence présentée à la Société du parler français au Canada en 1904 que Roy lance sa campagne en faveur d’une littérature ayant pour mission de contribuer au progrès de la nation. Sous le titre « La nationalisation de la littérature canadienne », ce plaidoyer propose aux écrivains un retour aux sources. Comme plusieurs de ses contemporains, Camille Roy tourne le dos au modernisme parce qu’il y voit une menace aux fondements de l’identité québécoise, la foi et la patrie. Le récit du terroir valorise la civilisation rurale traditionnelle en voie de disparition sous la pression de l’industrialisation et de l’urbanisation. Les auteurs qui s’adonnent à ce genre littéraire sont porteurs des craintes qu’inspirent les changements socio-économiques importants vécus à l’époque. 
 
Camille Roy donne lui-même l’exemple dans des textes qui seront rassemblés dans ses Propos rustiques paru en 1913. Plusieurs écrivains originaires de la Côte-du-Sud répondent à son appel. Le plus célèbre est Georges Bouchard, agronome, professeur, député fédéral de Kamouraska et sous-ministre de l’Agriculture, qui est l’auteur de Vieilles choses, vieilles gens, ouvrage publié pour la première fois en 1926. Deux autres écrivains, beaucoup moins connus cependant, Noël Gosselin, de Saint-Charles, et Georges-Émile Marquis, de Saint-Pierre-de-Montmagny, publient, en 1918, Les choses qui s’en vont et Aux Sources canadiennes, dont les titres ne laissent aucun doute sur leurs préoccupations. On peut ajouter le nom d’une femme, Alice Lévesque-Dubé, née à Rivière-Ouelle, qui fait paraître, en 1943, un livre intitulé Il y a soixante ans. 
 
Il est probable que tous ces auteurs aient été influencés par le milieu dans lequel ils ont vécu durant leur enfance. En fait, les jeunes qui ont grandi sur les fermes de la Côte-du-Sud après 1880 ont connu une existence relativement facile par rapport aux générations précédentes. La période correspond à un âge d’or dans les campagnes québécoises étant donné que la plupart des familles accèdent à un niveau de confort matériel inconnu jusqu’alors grâce aux revenus plus réguliers que procure l’industrie laitière. C’est ce passé récent, quelque peu idéalisé par leur mémoire, qu’ils évoquent avec nostalgie.
 
Monseigneur Camille Roy est un personnage important de l’histoire culturelle québécoise. Il joue un rôle de premier plan dans l’évolution de l’enseignement de la littérature et la réaction régionaliste qu’il déclenche produit, sinon des chefs-d’œuvre, du moins des œuvres littéraires qui ont valeur de témoignage sur leur époque. 
 
 
Bibliographie :

Dufresne, Dictionnaire de l’Amérique française, p. 319.
 
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