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La villégiature à Kamouraska
Thème : Société et institutions

La villégiature à Kamouraska

Jacques Saint-Pierre, historien, 8 mai 2003

 
Pendant la première moitié du XIXe siècle, Kamouraska est la destination touristique privilégiée au Québec. Mais les nouvelles facilités de transport, c’est-à-dire la construction de chemins de fer et l’inauguration de liaisons maritimes entre les grands centres urbains et d’autres régions, comme Charlevoix et le Saguenay—Lac-Saint-Jean, contribuent à l’essor de nouvelles places d’eaux. Il en sera de même avec l’arrivée de l’automobile au XXe siècle.
 
Une place d’eaux à la mode
 
L’arpenteur Joseph Bouchette écrit en 1815 que Kamouraska est la station balnéaire la plus réputée du Bas-Canada, une renommée qu’elle doit à la salubrité de son atmosphère et à la salinité de ses eaux. Plusieurs bourgeois s’y rendent pour y refaire leur santé ou simplement s’y reposer dans un cadre champêtre. À l’époque, le village possède seulement une ou deux auberges, mais les vacanciers peuvent également y trouver des maisons de pension, comme celle d’un nommé Desjardins, où logeront les sœurs Amélie et Marie-Anne Panet durant leur séjour en juillet 1840. Le journal de ce voyage donne une idée de l’emploi du temps des gens qui se rendent en villégiature à Kamouraska. En plus de profiter de l’air salin, les voyageuses sont reçues par les notables de la région, visitent le moulin en compagnie de la seigneuresse et assistent à la capture de deux marsouins à Rivière-Ouelle. Elles repartent satisfaites, tant sous le rapport de la curiosité que celui des civilités reçues des principaux habitants du lieu. 
 
Kamouraska est alors au faîte de sa gloire. Le journaliste Arthur Buies, l’un des plus ardents défenseurs du premier lieu de villégiature québécois, relate en 1871 :
 
 « Kamouraska est un des plus jolis et des plus anciens endroits de la rive sud; les grands viveurs l’ont de tout temps illustré. Il y a quinze ou vingt ans, quand la rage des stations d’eau fashionables n’avait pas encore fait déserter nos plus belles campagnes, aller à l’eau salée voulait dire aller à Kamouraska. Aussi quelles joyeuses et intimes familles s’y réunissaient tous les étés, et quelle bonne vieille gaieté fine et franche ! Les hommes les plus spirituels qui aient vu le jour en Canada ont longtemps vécu ici. »
 
À l’époque où il écrit ces lignes, La Malbaie et Cacouna sont devenues les stations balnéaires à la mode. Bien que Kamouraska recueille encore la faveur de plusieurs amateurs de bains de mer et de beaux paysages, elle ne retrouvera plus jamais son animation d’antan. 
 
« Pourquoi diable les touristes délaissent-ils ce panorama radieux ? » s’interroge un voyageur anonyme en 1881. Et il propose cette explication : « Parce que beaucoup d’entre eux ne vont pas chercher à la campagne le calme et le spectacle de la nature, mais y apportent au contraire les dispositions tapageuses et les vulgarités courantes des villes. »
 
Kamouraska durant les années folles 
 
Selon Émilia Boivin-Allaire, les familles bien nanties de Québec et de Montréal continuent de fréquenter Kamouraska jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale parce que les jeunes gens n’ont pas besoin de travailler durant la période des vacances. À Kamouraska, les garçons « pourront donc jouer au tennis, en longs pantalons de flanelle blanche, tandis que leurs admiratrices se tiendront tout autour du « court » pour les admirer… ou partager leurs exploits. C’est le grand sport de l’époque : le seul ! » Le vieux Palais de justice est l’un des points de ralliement de ces jeunes de la ville en mal de flirts, mais également de leurs parents qui s’y retrouvent pour des soirées dansantes ou autres activités organisées à leur intention.
 
Les villégiateurs de Kamouraska trouvent d’abord à se loger dans les maisons des villageois, qui déménagent dans le fournil pour leur faire place. Le château Deschênes, qui est longtemps le seul véritable établissement hôtelier du village avec sa salle à manger, son petit salon pour les dames et ses longues galeries, et quelques pensions accueillent également les estivants. La location de leur maison fournit un revenu d’appoint non négligeable aux cultivateurs, pendant que le marchand général, l’épicier et le boucher voient leur clientèle s’accroître sensiblement. La présence de ces touristes met la population locale en contact avec le mode de vie urbain, ce qui fait craindre une dégradation des mœurs aux autorités religieuses.
 
Après la Deuxième Guerre mondiale, le développement du réseau routier et la généralisation de l’automobile multiplient les lieux de villégiature rendus désormais accessibles à toutes les classes sociales. Le petit village de Kamouraska est alors abandonné par plusieurs au profit de nouvelles destinations. Cependant, quelques familles continuent d’y venir. Certaines, comme celle d’Émilia Allaire, s’y construisent un chalet le long du fleuve. D’autres préfèrent acquérir une maison ancestrale qui devient leur résidence secondaire. Elles y retrouvent toujours cet air salin vivifiant qui a fait la réputation du lieu de villégiature, mais également une quiétude qui faisait défaut lorsque le lieu était plus populaire.
 
Une renaissance du tourisme
 
Depuis quelques années, le pittoresque village de Kamouraska s’impose de nouveau comme une destination touristique de choix. Transformé en centre d’art et d’histoire, le vieux Palais de justice est de nouveau le cœur de la vie culturelle du village. Le Musée de Kamouraska, le Site d’interprétation de l’anguille, le Berceau de Kamouraska (le terrain de l’ancienne église et du cimetière) ne sont que quelques-uns des lieux chargés d’histoire qui attirent les gens de l’extérieur. Plusieurs activités s’offrent également à ceux qui préfèrent les joies du plein air. 
 
Il est révolu le temps où les cultivateurs louaient leur maison aux touristes durant l’été, mais la tradition d’hospitalité des habitants de Kamouraska se perpétue à travers plusieurs petites auberges et gîtes, où les vacanciers sont reçus avec autant d’empressement que les estivants d’autrefois et où ils peuvent goûter une cuisine authentiquement québécoise.


Bibliographie :

Boivin-Allaire, Émilia. « La villégiature à Kamouraska, 1923-1943 ». Dans Kamouraska (1674-1948), réédition de l’ouvrage de l’abbé Alexandre Paradis par le Conseil de Fabrique, Kamouraska, 1984, p. 285-291.
Deschênes, Gaston. Les Voyageurs d’autrefois sur la Côte-du-Sud. Sillery, Québec, Septentrion, 2001. 322 p.
Lessaurd, Michel et Gaston Cadrin. « Les sentiers de la villégiature », Cap-aux-Diamants, no 33, printemps 1993, p. 10-14.
 
 
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