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Les catastrophes naturelles
Thème : Société et institutions

Les catastrophes naturelles

Jacques Saint-Pierre, historien, 24 mars 2003

 
Certains phénomènes naturels ont des conséquences tragiques. La Côte-du-Sud ne connaît pas beaucoup de ces incidents funestes dans son histoire. La foudre provoque certes des incendies de bâtiments de ferme, à l’époque des toitures de chaume. Cependant, on trouve peu de traces de ces faits divers dans les archives, sauf s’il y a des victimes. La Gazette de Québec rapporte, par exemple, dans son édition du 4 août 1785, qu’une femme de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud a été foudroyée et que deux granges situées dans des paroisses environnantes ont été rasées par les flammes. Les tremblements de terre, l’érosion des rives du fleuve Saint-Laurent, les glissements de terrain et certains incendies de forêt sont mieux documentés.
 
Les tremblements de terre
 
La Côte-du-Sud est soumise à l’influence du phénomène connu sous le nom de « l’astroblème de Charlevoix ». Les violentes secousses sismiques qui affectent les deux régions résultent du relâchement des contraintes accumulées dans la croûte terrestre affaiblie dans ces parages par la chute d’un météorite. L’impact météoritique joue le rôle d’une soupape qui draine l’énergie accumulée dans les profondeurs de la terre.
 
Depuis 1663, une cinquantaine de séismes plus ou moins importants ont été répertoriés pour la Côte-du-Sud. Celui de 1870, dont l’épicentre se situait dans la région de Charlevoix, a été très vivement ressenti dans les paroisses du littoral de Kamouraska. Plusieurs églises, dont celles de Rivière-Ouelle, de Saint-Pascal et de Sainte-Louise, ont alors subi de lourds dégâts. La région a également été fortement ébranlée lors des secousses de 1925 et de 1988. Aucune victime n’a cependant été rapportée.
 
Déboisement et glissements de terrain
 
Dès le Régime français, les habitants de certaines paroisses de la Côte-du-Sud sont confrontés au problème de l’érosion des rives du Saint-Laurent. Les fondations du manoir seigneurial de Vincelotte et des églises de Cap-Saint-Ignace et de Saint-Thomas érigés en bordure du fleuve sont minées par l’action des grandes marées. Après avoir été dépouillé du couvert végétal qui assurait la stabilité (par le réseau de racines), le sol de la berge est dévoré progressivement par les flots. Le processus est assez lent puisque c’est seulement vers le milieu du XVIIIe siècle, soit près de 75 ans après leur construction que les édifices mentionnés doivent être abandonnés.
 
L’impact du déboisement sur les cours d’eau avait sans doute été perçu dès le 18[e] siècle. Mais le premier témoignage sur la modification du débit des rivières que nous ayons retracé date de 1864. L’écrivain Eugène Renault rapporte un fait inscrit dans la mémoire collective depuis le Régime français :
 
« La Rivière-à-la-Caille qui, alors, charroyait à plein lit l’eau rougeâtre de la forêt, n’est plus maintenant qu’un petit ruisseau qui, en été, traîne péniblement vers le fleuve ses eaux bourbeuses et ne sort de sa léthargie qu’au printemps ou à l’époque des grandes eaux d’automne. La Rivière-à-la-Caille a été, comme bien d’autres cours d’eau, victime du déboisement. »
 
Comme l’indique le texte de Renault, il s’agit moins d’une diminution du débit des rivières que d’une accentuation des contrastes entre les crues printanières très intenses et les étiages beaucoup plus faibles. On dira la même chose à propos de la rivière du Sud en 1925. 
 
Les glissements de terrain ne sont qu’en partie attribuables au déboisement. D’autres facteurs, comme les rives abruptes des cours d’eau et la texture glaiseuse des sols, sont aussi en cause. Ces affaissements subits de sections de l’écorce terrestre ont généralement des conséquences tragiques. À Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud, au moins trois glissements de terrain ont fait des victimes : 4 en 1771, 1 en 1890 et 2 en 1918. Deux autres glissements importants se sont produits à Saint-Vallier, en 1902 et en 1935. Le premier s’est produit le long de la rivière des Mères; il a englouti un moulin dans lequel se trouvaient deux personnes. Le second a emporté une superficie d’environ dix hectares en bordure de la rivière Blanche, sans toutefois faire de victime.
 
Les incendies de forêt 
 
Les incendies de forêt sont les phénomènes naturels les moins bien documentés, mais aussi les plus fréquents. Ils ne défraient la chronique que lorsqu’ils atteignent des proportions hors de l’ordinaire. La foudre est pendant longtemps la principale cause des feux de forêt, mais au XIXe siècle, plusieurs sont provoqués par la négligence des chasseurs, des bûcherons et des colons.
 
En 1819, les incendies de forêt dévastent une partie des forêts de l’arrière-pays de la Côte-du-Sud, depuis Cap-Saint-Ignace, à la suite d’une importante sécheresse. La région du Bas-Saint-Laurent semble cependant la plus durement touchée. La sécheresse sévit à nouveau à l’été de 1826. Elle se prolonge de juin jusqu’à septembre, provoquant d’importants feux de forêt entre Saint-Jean-Port-Joli et Rivière-du-Loup. On ne peut parler de catastrophes naturelles dans ces circonstances car l’embrasement spontané fait partie du cycle de régénération des forêts. Les arbres repeuplent le territoire dévasté après une vingtaine d’années, sauf dans le cas du pin. 
 
Cependant, la présence humaine accrue dans les cantons dans la seconde moitié du 19[e] siècle accroît de façon considérable les risques d’incendie. Les rapports des arpenteurs mentionnent la présence de nombreux « brûlés » dans l’arrière-pays de la Côte-du-Sud après 1850. À cette époque, la forêt représente une ressource très importante, ce qui justifie la mise en place d’un système de protection. Il est organisé en 1883, mais ce n’est qu’en 1905 qu’il sera véritablement établi dans la région. Les moyens d’action restent cependant limités. L’un des plus importants feux du dernier siècle ravage 75 kilomètres carrés dans les cantons Ixworth et Woodbridge en 1934.
 
Les catastrophes naturelles, qu’elles soient d’origine géologique ou liées à l’action humaine, ne sont que des épisodes dans la longue histoire de la Côte-du-Sud. À cause de leur caractère dramatique, elles ont probablement un impact psychologique important. Malheureusement, les sources disponibles restent peu loquaces à ce sujet.
 
 
Bibliographie :

De mémoire, Saint-Vallier, Bellechasse. Saint-Vallier (Bellechasse), Le Comité de réalisation, 1988. 230 p.
Dumais, Michel. « La Côte-du-Sud tremble », Le Javelier, vol. 10, no 1, février 1894, p. 4-6.
Description des cantons arpentés et des territoires explorés de la province de Québec extraits des rapports officiels d’arpentages qui se trouvent au département des terres ainsi que de ceux de la commission géologique du Canada et autres sources officielles. Québec, Imprimeur de la Reine, 1889. lxxii-955 p.
Lavoie Beaumont, Colombe et al. À St-Pierre du Sud, on se rappelle. [Québec, s.n.], 1985. 299 p.
Renault, Eugène. « Souvenirs de ma paroisse natale. Saint-Thomas de la Côte-du-Sud », Les soirées canadiennes, vol. 4, 1864, p. 137-160.
 
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