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Les débuts de la poste
Thème : Société et institutions

Les débuts de la poste sur la Côte-du-Sud

Jacques Saint-Pierre, historien, 2 mai 2002


Avant l’établissement des premiers bureaux de poste, tels qu’on les connaît aujourd’hui, les principales paroisses situées le long du chemin du roi possèdent des relais de poste. Sur la Côte-du-Sud, les premières maisons de poste sont établies en 1786, soit après l’inauguration du nouveau chemin du Portage dans la vallée du Témiscouata, qui relie la vallée du Saint-Laurent à l’Acadie. Quant aux bureaux de poste, ils font leur apparition à compter de 1816. Ce n’est toutefois qu’après la construction du chemin de fer au milieu du 19e siècle que le service postal va se développer réellement.
 
Les maisons de poste
 
Les maisons de poste sont assujetties à une réglementation stricte, qui est révisée à intervalles réguliers par la chambre d’Assemblée. À chaque année, elles sont visitées par un surintendant qui vérifie si le propriétaire dispose d’un nombre suffisant de voitures en état de marche et de bons chevaux et si dans chaque relais les règlements sont affichés à la vue du public. Les frais de déplacement sont calculés en fonction de la distance à parcourir et les coûts des passages à gué et des ponts à péage sont à la charge du voyageur. À l’origine, les tarifs sont de 1 shilling par lieue lorsque la voiture est tirée par un seul cheval et 1,5 shilling si elle est tirée par deux chevaux.
 
Les premiers postes de relais de la Côte-du-Sud sont établis en 1786. Dans un communiqué en date du 10 avril, le maître général des postes, Hugh Finlay, précise les motifs de la décision. Il mentionne d’abord que le commandant des troupes juge à propos de rendre la communication entre Québec et le Nouveau-Brunswick plus commode pour les courriers employés au service du roi et les autres voyageurs. Il ajoute ensuite que la nouvelle route de poste va permettre aux passagers de débarquer des vaisseaux pour se rendre à Québec par voie terrestre. Chacune des paroisses du littoral possède son poste de relais, sauf entre Kamouraska et l’entrée du Portage du Témiscouata où l’on en retrouve trois.
 
Finlay avertit le public que « Comme le chemin n’est pas encore assez fréquenté pour exiger qu’on tienne à chaque maison de poste un nombre de chevaux parés dans l’écurie, comme il est prescrit par la dernière Ordonance de faire sur les autres chemins de poste de la province, on espere que les voyageurs attendront avec patience le temps necessaire pour que les maîtres de poste puissent faire venir leurs chevaux du pacage en été… » Il espère également « que les maîtres de poste sur ce chemin ne seront point découragés par quelque traitement brusque de la part des voyageurs impatiens d’avancer. » 
 
Si les dépêches officielles et les journaux circulent par la route de la poste, la correspondance privée emprunte également d’autres voies. Jusqu’au milieu du 19e siècle, il arrive souvent que les lettres ou les paquets soient confiés à des voyageurs connus ou étrangers, qui se chargent de les remettre personnellement à leurs destinataires. Avant 1815, il n’existe aucun bureau de poste sur la Côte-du-Sud où l’on puisse déposer les lettres reçues par le courrier. 
 
Les premiers bureaux de poste
 
Les premiers bureaux de poste permanents de la région sont établis en 1816 à Rivière-Ouelle et à Kamouraska et l’année suivante à Saint-Thomas. D’autres sont ouverts à Saint-Jean-Port-Joli et à Saint-Roch-des-Aulnaies en 1827. Ce sont les seuls qu’on dénombre sur la Côte-du-Sud en 1830. Quatre autres vont s’ajouter entre 1831 et 1833 : Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Saint-André, Berthier-sur-Mer et L’Islet. 
 
Le service postal sur la Côte-du-Sud fait l’objet d’une réorganisation en profondeur en 1816. En effet, le contrat du transport du courrier entre Québec et la rivière des Caps, dernier relais avant la route du Témiscouata, est assumé par trois individus de la région, qui se répartissent le travail. John McPherson, marchand de Saint-Thomas, se charge de la portion entre Pointe-Levy et Saint-Thomas, le notaire François Letellier de Saint-Just s’occupe du tronçon suivant jusqu’au passage de Rivière-Ouelle, où il a sa résidence, et le notaire Jean-Baptiste Taché de Kamouraska couvre la dernière partie du trajet. Ces trois personnages, dont deux feront de la politique, sont responsables des premiers bureaux de poste de la Côte-du-Sud.
 
Les courriers qui transportent les malles de Sa Majesté sont munis d’une trompette qu’ils font sonner à l’arrivée et au départ de chaque bureau de poste et de temps en temps sur la route. Ils doivent porter un sac au côté pour mettre les papiers qui leur sont remis sur la route. Les tarifs pour une lettre postée de Québec vers Saint-Thomas sont de 6 deniers, vers Rivière-Ouelle de 8 deniers et de Kamouraska 10 deniers. Il faut cependant du temps avant que le service ne soit utilisé par la population. En 1821, Monseigneur Panet écrit que la poste ne passe qu’à tous les quinze jours à Rivière-Ouelle et mentionne à son correspondant qu’il vaut mieux attendre une occasion. Jusque vers 1835, la majorité des maîtres de poste de la Côte-du-Sud sont d’origine britannique. Dès les années 1830, une femme occupe la responsabilité de maîtresse de poste à Kamouraska, une dame Gauvreau qui semble prendre la relève de son mari. 
 
Le service postale régional s’améliore nettement avec l’inauguration d’une ligne de diligence d’hiver entre Québec et Rimouski à la fin de 1831. Cela explique probablement l’ouverture de nouveaux bureaux de poste sur le trajet. Après 1845, deux sociétés concurrentes se disputent le contrat du transport de la malle dans l’est du Québec : l’une est dirigée par Samuel Hough, homme d’affaires de Québec, associé à des entrepreneurs de Beaumont et de Rivière-du-Loup et l’autre par Pierre Barras. En 1846, bien qu’il y ait alors deux transports hebdomadaires, le service postal est jugé insuffisant sur la Côte-du-Sud. Le maire de Rivière-Ouelle fait part de ce problème au conseil du village de Saint-Thomas et demande au maître général des Postes de créer trois services postaux par semaine. Ce dernier donne suite à la requête et accorde le contrat de la poste à la société Pierre Barras et cie. Cependant, le faible nombre de voyageurs ne justifie pas une telle offre de service, ce qui amène les deux entreprises à fusionner.
 
Pendant les années 1840, trois nouveaux bureaux de poste ouvrent leurs portes sur la Côte-du-Sud : Saint-Michel (1841), Saint-Gervais (1845) et Cap-Saint-Ignace (1849). Sept autres sont inaugurés entre 1851 et 1855. À cette date, qui marque l’avènement du chemin de fer dans la région, toutes les plus vieilles paroisses de la zone seigneuriale (incluant L’Île-aux-Grues, la dernière en date) possèdent leur bureau de poste. Le chemin de fer restera longtemps l’épine dorsale du système postal qui va se ramifier avec l’ouverture de plusieurs nouveaux bureaux de poste dans les paroisses de colonisation, mais aussi dans certaines gares et même dans des hameaux isolés des noyaux villageois.
 

Bibliographie :

La Gazette de Québec, 18 mai 1786, 1er août et 24 octobre 1816.
Hébert, Yves. Montmagny… une histoire, 1646-1996 : la seigneurie, le village, la ville. Montmagny, Montmagny 1646-1996 inc., 1996. 304 p.
Hudon, Paul-Henri. Rivière-Ouelle de la Bouteillerie : 3 siècles de vie. Rivière-Ouelle, Comité du Tricentenaire, 1972. xi-495 p.
Lambert, Pierre. Les anciennes diligences du Québec : le transport en voiture publique au XIXe siècle. Québec, Les Éditions du Septentrion, 1998. 193 p.
Walker Anatole. Le Bas-du-Fleuve. Boucherville, Société d’histoire postale du Québec, 1995. Pag. Mult. Coll. « Philathèque », 6.
 
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