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Hôpital de la Miséricorde
Thème : Services sociaux

Hôpital de la Miséricorde

Etienne Berthold, département de géographie. Université Laval, 2015


Au milieu du 19e siècle, devant l’accélération de l’urbanisation et la croissance de la population de la ville de Québec, plusieurs problématiques sociales prennent une ampleur considérable. C'est le cas des mères-célibataires. À Québec, ces femmes dépourvues de ressources sont souvent contraintes d’accoucher en prison ou à l’Hôpital de la Marine. Pour remédier à cette situation jugée délicate sur les plans sanitaire et moral, l’abbé Joseph Auclair et l’évêque Mgr Pierre-Flavien Turgeon prennent l'initiative de transformer une maison du Faubourg Saint-Jean en un lieu d’accueil pour les filles-mères de la ville et de la région de Québec. En 1852, soit l'année de son ouverture, cette œuvre est connue comme « l'Hospice Saint-Joseph de la Maternité ». Elle est confiée à Marie Métivier, « une dame de 40 ans bénéficiant d’une réputation sans tache et d’une grande considération de la part des gens de Québec1 ». Mais l'initiative ne suffit pas à pourvoir à la demande. C'est ainsi qu'en 1874, à l'initiative des médecins Olivier Robitaille et Laurent Catellier, Mgr Charles-Félix Caseau confie aux Sœurs du Bon-Pasteur la responsabilité d'une deuxième maternité. Située sur la rue Couillard, celle-ci fusionnera, dès 1876, avec l'Hospice Saint-Joseph.  

Nombreuses sont les femmes qui viennent chercher de l’aide et des soins à l’Hospice : du mois de septembre 1874 au mois de mars 1876, près de 120 filles-mères y sont accueilles. Par suite de leur séjour, elles peuvent soit retourner dans leur famille ou dans leur résidence, ou encore s’installer à la Maison Sainte-Madeleine pour quelque temps, afin de marquer une pause. Au total, entre 1874 et 1929, plus de 9 000 filles-mères seront admises à l’Hospice. Quant aux nouveaux-nés, quelques-uns seront confiés à des familles locales, mais la majorité seront transférés à Montréal, chez les Sœurs Grises, du moins jusqu’à ce que l’Hôtel-Dieu du Sacré-Cœur (1873) et, surtout, la Crèche Saint-Vincent-de-Paul (1901) en fassent une priorité2 (voir figure 1). 

L’Hospice remplit également des fonctions médicales. En 1878, la jeune École de Médecine de l’Université Laval demande aux Sœurs du Bon-Pasteur d'accueillir médecins et étudiants afin de tenir, à l'Hospice de la Miséricorde, un enseignement clinique en obstétrique ; la toute première classe en la matière prend place l'année même. L'association entre l'Université Laval et la communauté perdurera à travers le temps. Ainsi, l'Hospice prendra également la forme d'un hôpital que fréquenteront, au fil des ans, plusieurs dizaines d'étudiants, de même que des médecins tout aussi dévoués aux soins des patientes qu'à l'avancement de la science médicale, comme le Dr René Fortier. Les religieuses, il faut dire, seront elles-mêmes particulièrement soucieuses d’établir, avec le corps médical, une « parfaite collaboration […] pour le plus grand bien des clientes qui leur sont confiées et pour le progrès scientifique et professionnel de l’institution3 (voir figure 2) ».

À plusieurs égards, le destin de l'Hospice de la Miséricorde est lié à celui de la Crèche Saint-Vincent-de-Paul. Créée en 1901, cette dernière favorise le fonctionnement de l’Hôpital dans la mesure où elle offre un lieu d'accueil pour les nouveaux-nés de mères-célibataires. En 1908, la Crèche déménage sur le chemin Sainte-Foy dans une vaste propriété aujourd'hui connue comme l'« écoquartier de la Cité Verte ». Pour l'Hospice, cela pose le problème du déplacement des nouveaux-nés sur une plus grande distance. C'est ainsi qu'en 1929, il est, lui aussi, déménagé sur le chemin Sainte-Foy dans des locaux qui lui confèrent un espace suffisant, du moins pour quelques années. C’est d’ailleurs à ce moment qu’il prend le nom d’Hôpital de la Miséricorde.

Que viennent donc chercher les femmes à l’Hôpital de la Miséricorde ? Un lieu d’accueil, certes, mais aussi un lieu empreint de discrétion : « Les patientes n’y étaient jamais désignées autrement que par leur numéro d’admission et elles portaient un pseudonyme afin de garder l’anonymat auprès des autres mères célibataires4 ». En effet, à l’époque, la discrétion va de pair avec la problématique de la naissance dite « illégitime » (voir figure 3 et tableau 1).

Au fil des décennies, le développement de l’Hôpital de la Miséricorde entraine des besoins accrus en terme de main-d’œuvre. En 1874, trois religieuses assuraient le fonctionnement de l’œuvre, sœur Marie de la Présentation, sœur Marie de Saint-Philippe-de-Néri et sœur Marie de Sainte-Angèle-de-Mérici. En 1940, quelque 65 ans plus tard, une dizaine d’« aides » laïques complètent désormais le personnel de l’hôpital. Elles seront de plus en plus nombreuses à joindre les rangs de l’Hôpital jusqu’à sa fermeture, au milieu des années 1970. L’institution engagera même quelques infirmières professionnelles, dûment diplômées, pour pourvoir aux soins des nécessiteuses, nonobstant les importants coûts financiers reliés à l’entreprise.

En tant qu’institution enracinée dans son milieu, l’Hôpital de la Miséricorde voit son offre de soins s’élargir quelque peu au fil des ans. L’un des jalons les plus significatifs à cet égard est sans contredit l’admission des maternités dites « légitimes » à compter de 1947 ; jusqu’alors, dans la ville de Québec, l’Hôpital Saint-François d’Assise assumait cette fonction, mais les femmes nécessiteuses se faisaient de plus en plus nombreuses. Par ailleurs, en 1950, est inauguré, au sein de l’Hôpital, un département de service social ayant pour mission d’accompagner les patientes dans leur retour en société. C’est dans cette foulée que voit le jour, en 1960, la Maison Marie-Médiatrice, qui est destinée aux mères célibataires (voir figure 4). 

        La Maison Marie-Médiatrice : des services aux mères célibataires
Premier centre du genre à Québec, mis sur pied par les Sœurs du Bon-Pasteur, la Maison Marie-Médiatrice, ouverte en 1960, vise principalement à offrir des services aux mères célibataires qui souhaitent élever leur enfant elles-mêmes. La Maison poursuit un objectif sans équivoque : héberger, rééduquer et permettre la « réinsertion sociale » des mères célibataires. D’abord logée temporairement au 4e étage de la Crèche Saint-Vincent-de-Paul, des salles de cours et autres locaux d’accueil y sont aménagés. Les femmes accueillies à la Maison sont surtout des adolescentes et elles ont pour la plupart été admises à l’Hôpital de la Miséricorde avant d’être accueillies à la Maison Marie-Médiatrice. En 1971, la Maison déménage sur le chemin St-Louis et s’associe au centre La Clairière, qui regroupe les œuvres poursuivant des objectifs similaires, soit la Maison Métivier et le Pavillon Roy.
Archives Sœurs du Bon-Pasteur de Québec. Un centenaire au Bon-Pasteur : Maison Sainte-Madeleine, 1850-1950, s.p.

L’Hôpital de la Miséricorde ne survivra pas aux années 1960 et à son intégration au sein du réseau régional des établissements de santé, cela en dépit des intenses démarches de Mère Marie-Médiatrice qui avaient visé la relocalisation et la modernisation de l’œuvre. C’est ainsi que l’œuvre fermera ses portes à la fin de l’année 1972 après avoir accueilli plus de 46 000 femmes et procédé à 36 780 accouchements (voir figure 5).
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1Mireille Bergeron, Historique sommaire de l’Hôpital de la Miséricorde et de la Crèche Saint-Vincent-de-Paul des Sœurs du Bon-Pasteur de Québec, [en ligne] http://www.soeursdubonpasteur.ca/files/Historique_sommaire_Creche_et_Misericorde__en_ligne.pdf
2ABPQ, 300-09C-58. Fonds Hôpital de la Miséricorde. Œuvre sociale, par Sœur Marie de Ste-Foy
3ABPQ, 300-09C-30. Fonds Hôpital de la Miséricorde. Plan de présentation « Notre foyer pour filles mères », 1952, section « d/Service médical ».
4Mireille Bergeron, op.cit.
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