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Thème : Éducation en classe

Les soins de santé et la sécurité sociale après 1960

Jean-Charles Fortin, INRS-Urbanisation Culture et Société. 24 septembre 2003.


Jusqu’aux années 1960, les soins de santé et une large part des institutions destinées à secourir les plus démunis des Québécois, les orphelins, les vieillards ou les handicapés mentaux, sont sous le contrôle des autorités religieuses. Au  cours des années 1960 et 1970, les gouvernements se substituent à la charité privée. La prise en charge par l’État des soins de santé représente, à coup sûr, le plus grand acquis social de l’après-guerre, plus peut-être que les transformations survenues dans le monde de l’éducation. Comme dans tous les pays occidentaux cependant, l’explosion des coûts reliés au vieillissement de la population et à l’introduction de nouvelles technologies sophistiquées remettent en question, au début du XXIe siècle, l’universalité et la gratuité des soins.
 
Des années 1920 à 1960, le Bas-Saint-Laurent a tout de même connu un progrès remarquable de l’hygiène publique, la disparition des grandes épidémies et un important allongement de l’espérance de vie. Au cours des années 1950 toutefois, les communautés religieuses hospitalières voient stagner leurs effectifs en même temps que les besoins augmentent. Les subventions qu’elles reçoivent de Québec ne leur permettent plus d’affronter l’augmentation des coûts du personnel et des équipements. Le manque d’institutions et la pénurie de médecins spécialistes force un grand nombre de Bas-Laurentiens à subir des interventions chirurgicales difficiles et des traitements spécialisés à Québec ou à Montréal. C’est d’ailleurs le gouvernement qui assume les coûts reliés à la tuberculose, la plupart des patients en pouvant assumer les frais d’une longue hospitalisation au sanatorium Saint-Georges à Mont-Joli, la plus grande institution antituberculeuse au Québec.
 
En 1961, le gouvernement Lesage crée un ministère de la Famille et du Bien-être social et met en œuvre un programme d’assurance hospitalisation, à frais partagés avec le gouvernement fédéral. La réforme des soins de santé s’attaque d’abord au problème le plus urgent, l’aspect curatif, en vue de démocratiser l’accès aux traitements physiques ou psychiatriques. La deuxième phase des réformes va être plus globale. Le rapport de la commission Castonguay-Nepveu aboutit, en 1970, à la création du ministère des Affaires sociales, qui englobe les secteurs de la santé, de la famille, des services sociaux et de la sécurité du revenu. La loi sur l’assurance-maladie et celle sur les services de santé et les services sociaux visent l’accès universel, sur tout le territoire du Québec, à des services complets et de qualité de toute une gamme de soins et de services préventifs et curatifs.
 
Au cours des décennies suivantes, c’est encore l’aspect curatif du système de santé qui monopolise le personnel, l’équipement et les budgets. Le Bas-Saint-Laurent compte cinq hôpitaux pour les soins de courte durée, à Rivière-du-Loup, Notre-Dame-du-Lac, Rimouski, Matane et Amqui. À Mont-Joli, la réorganisation des services à l’échelle régionale a dépouillé l’hôpital Saint-Georges d’une large part de ses fonctions comme hôpital psychiatrique et de soins de courte durée. Il se spécialise dans les soins de longue durée, comme d’autres importants établissements du genre à Rivière-du-Loup, Trois-Pistoles et Rimouski. Parmi tous ces établissements, seuls les hôpitaux généraux de Rivière-du-Loup, mais surtout Rimouski, réussissent à offrir un large éventail de spécialités à l’échelle régionale. À Rimouski, cette vocation régionale est d’ailleurs confirmée par la construction d’une hôtellerie attenante à l’hôpital pour héberger la clientèle venue suivre des traitements et leurs accompagnateurs.
 
La réforme des soins de santé prévoit aussi l’établissement de centres locaux de services communautaires (CLSC) destinés à offrir des soins de première ligne et surtout axés sur la prévention. De 1974 à 1985, huit CLSC, dotés de 13 points de service, sont mis en place sur le territoire du Bas-Saint-Laurent. Cette nouvelle institution éprouve cependant des difficultés à assumer sa place dans le réseau et les CLSC de la région ne sont guère considérés comme la porte d’entrée et la première référence, comme ses créateurs l’auraient souhaité. C’est sans doute pourquoi les Bas-Laurentiens exigent d’abord d’avoir accès à une salle d’urgence d’hôpital située à une distance raisonnable de leur résidence. Ce problème est commun aux régions à faible densité de population et éloignées de l’axe Québec-Montréal.
 
La prise en charge des soins de santé, la gestion centralisée du réseau, puis sa régionalisation, ont sans conteste eu des effets bénéfiques sur l’état général de santé des Bas-Laurentiens. Le tableau général montant l’espérance de vie, les taux de mortalité et les causes de décès laisse voir peu d’écarts avec les régions mieux nanties. Le principal problème demeure celui de la difficulté d’attirer et de retenir les professionnels de la santé, surtout dans les plus petits établissements du réseau. Par ailleurs, les dizaines de millions de dollars investis à chaque année dans le fonctionnement du réseau restent la manifestation la plus tangible de l’État dans l’effort de redistribution de la richesse à travers le territoire du Québec.
 
Bibliographie :
 
Fortin, Jean-Charles, Antonio Lechasseur et al. Histoire du Bas-Saint-Laurent. Québec, IQRC, 1993. 864 p.
Anctil, Hervé, Marc-André Bluteau. « La santé et l’assistance publique au Québec, 1886-1986 », numéro spécial de Santé Société. Québec, Ministère de la Santé et des Services sociaux, 1986. 121 p.
Lesemann, Frédéric. Du pain et des services. La réforme de la santé et des services sociaux au Québec. Montréal, Albert Saint-Martin, 1981. 231 p.
 
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