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Jean-Baptiste de la Brosse
Thème : Société et institutions

Le Jésuite Jean-Baptiste de la Brosse et la messe de minuit de 1782 à Tadoussac

Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. Notre-Dame-des-Monts, 27 septembre 2002


Avant 1800, il y a peu de curés résidents dans les paroisses de Charlevoix. Il y en a un à Baie-Saint-Paul, une autre aux Éboulements, un à Petite-Rivière et un à La Malbaie à partir de 1797 seulement. Les Charlevoisiens sont le plus souvent desservis sur le plan religieux par des missionnaires qui parcourent le territoire jusque vers la Côte-Nord où ils vont faire mission auprès des Amérindiens. Le plus célèbre de ces missionnaires aventureux reste sans nul doute le jésuite Jean-Baptiste de la Brosse mort en odeur de sainteté le soir de Noël 1782.
 
Le Père de la Brosse est un grand savant. Il ne se contente pas de livrer le message chrétien aux Amérindiens mais il s’intéresse aussi à leur culture. Il a même rédigé un dictionnaire montagnais afin d’aider ses confrères à mieux comprendre cette langue amériendienne. Toutefois, le Père de la Brosse n’est pas célèbre pour son travail de linguiste mais plutôt à cause d’une légende étonnante autour des circonstances fort édifiantes entourant son décès.
 
La légende concernant la mort du Père de la Brosse est racontée par les gens de l’île aux Coudres depuis de nombreuses générations. L’histoire débute la veille de Noël en 1782 et le Père de La Brosse est à Tadoussac où il se prépare à célébrer la messe de Minuit à la petite chapelle du lieu. C’est un homme âgé mais plutôt vigoureux. Il semble que le missionnaire soit de fort bonne humeur et il se rend même discuter avec quelques officiers du poste de traite de Tadoussac. Mais bientôt, le Jésuite prend un air plus sombre et déclare à ses interlocuteurs:
 
-Mes amis, je vous dis adieu pour l’éternité, car vous ne me verrez plus vivant sur terre. Ce soir même à minuit, je serai corps. Vous entendrez à cette heure-là sonner la cloche de ma chapelle: elle annoncera ma mort. Venez alors vous en assurer par vous-mêmes. Mais je vous en prie ne touchez point à mon corps. Demain, vous irez chercher, à l’île aux Coudres, M. Compain, pour m’ensevelir et me donner la sépulture. Il vous attendra au bout du bas de l’île. Ne craignez point de partir, quelque temps qu’il fasse. Je réponds de ceux qui feront le voyage.
 
Ses interlocuteurs ont peine à croire à cette prophétie. Ils en demeurent stupéfaits. Ils sont inquiets toute la soirée et soudain la cloche de la chapelle retentit: il est minuit! Les hommes se rendent alors à la chapelle et découvre le père de la Brosse prosterné à terre, les mains jointes devant l’autel. Il est mort. Dès que la nouvelle de la mort du père de la Brosse se répand, la chapelle de Tadoussac se remplit et de nombreux Amérindiens se rendent sur place afin de témoigner de leur affection envers le bon Jésuite. 
 
Toutefois, selon la prophétie du père de la Brosse, des hommes de Tadoussac doivent se rendre à l’île aux Coudres afin d’aller chercher le Père Compain. Cependant, une tempête de vent s’élève en ce matin de Noël et personne ne semble intéresser à affronter le fleuve où l’eau poudre comme de la neige. Quatre hommes prennent finalement leur canot en se rappellant les paroles du Jésuite: « ne craignez rien, il n’y a aucun risque pour ceux qui feront le voyage. » Les voyageurs font ainsi le périple sur le fleuve en toute sécurité et l’eau semble s’aplanir devant eux à mesure qu’ils avancent.
 
Arrivés à l’île aux Coudres, les voyageurs aperçoivent le Père Compain qui les attend à l’endroit désigné par le père de la Brosse soit «au bout du bas de l’île». Le Père Compain crie d’ailleurs aux voyageurs:
 
- Le Père de la Brosse est mort, vous venez me chercher pour lui donner une sépulture. Je sais. J’ai été prévenu en songe!
 
Le soir même, le père Compain débarque à Tadoussac. Les funérailles du Père de la Brosse sont très émouvantes. La chapelle de Tadoussac est remplie à pleine capacité et tous pleurent un grand missionnaire et un homme ayant atteint un niveau de sainteté exceptionnel. En fait, même si la messe de minuit n’a pas eu lieu à Tadoussac en 1782, le jour de Noël de cette année-là demeure marquant et la mort du père Jean-Baptiste de la Brosse de même que les circonstances surprenantes l’entourant frappent la mémoire populaire. La tradition orale ne cesse depuis de rapporter cette belle légende déjà vieille de plus de deux cents ans.


Bibliographie :

Casgrain, Henri-Raymond. Une excursion à l’île aux Coudres. Montréal, Beauchemin, 1912, p. 87-89.
 
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